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meni, ignorant l’étendue des torts de son fils, qu’il lui avait soigneusement cachés ou amoindris. Elle le désapprouvait en principe de n’être pas absolument fidèle à sa femme, mais lui trouvait des excuses inconscientes dans son cœur maternel ; et, sans croire manquer à la charité chrétienne, ni à la justice, elle rejetait une partie de la responsabilité sur Francine, dont le caractère altier l’avait toujours choquée. Dans son horreur du scandale bourgeois, elle ne pardonnait pas à la jeune femme son éclatante rupture ; la grand’mère avait souffert comme d’un rapt de l’enlèvement de Josette ; sa piété fervente, considérant le mariage comme indissoluble, voyait enfin dans la rébellion de Francine une grave faute conjugale, et dans le divorce, un acte abominable.

Fille s’assit, plus émue qu’elle ne voulait le paraître :

— Mais dites-moi d’abord comment va Josette ? Rassurezmoi, cette petite n’est pas malade, au moins ? Ce brusque enlèvement avait de quoi l’affoler… Vous avez percé le cœur de son père… Oh ! je ne crois pas que vous ayez été consciente du mal que vous lui causiez,… mais il a failli en faire une maladie. Je l’ai laissé couché, si pâle que je n’osais le quitter. Il vous aime tant !… Il y a pu avoir entre vous de légers malentendus, mais de là à prendre une détermination aussi grave ! Voyons, Francine, et vous, Gabrielle, chère amie, qui avez comme moi le sentiment de votre responsabilité, dites-moi une bonne parole, rassurez-moi, je viens en amie ! Je serais accourue plus tôt, si j’avais pu croire que c’était sérieux. J’étais persuadée que vous réfléchiriez. — Elle gémit : — Mais enfin, apprenez-moi au moins ce que vous reprochez à mon fils ?

Francine, qui ne s’était jamais sentie comprise ni aimée par sa belle-mère, ne pouvait croire à une aussi totale ignorance, et vit de la duplicité où il n’y avait qu’une sincérité de mère, mal renseignée, aveuglée aussi par une involontaire partialité.

Elle répondit :

— Le divorce vous l’apprendra.

— Le divorce ? répéta douloureusement Mme  Le Hagre, le divorce ! Mais, sans invoquer des sentimens religieux auxquels vous, êtes fermée, je le crains, sans faire appel à votre cœur, — comment peut-il rester sourd à l’intérêt de votre fille ? — sans me permettre de vous rappeler au respect du monde et au danger d’un procès où vous avez aussi à perdre, — oh ! cer-