Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/74

Cette page n’a pas encore été corrigée

LES DEUX VIES TROISIEME PARTIE (1) L’ENGRENAGE I Quelques jours après, par une matinée de lumière, en atten- dant l’entrevue de conciliation, tout à l’heure, dans le cabinet du Président, M"" Favié contemplait avec mélancolie les grands arbres défeuillés de la Muette et du Bois. Elle avait un air de lassitude et d’accablement tel que Francine en fut touchée : elle étudiait sa mère, depuis la lettre de Gharlie, avec un grand étonnement; elle ne revenait pas de ce qu’un être qu’elle croyait connaître si bien lui apparût nouveau, presque inconnu; plus elle y réfléchissait, moins elle entrevoyait une solution qui ne fût pas un choix entre des souffrances imméritées. Un mariage? Mais, alors même qu’il n’eût choqué personne, pas même elle, qui se faisait mal à l’idée do cette union avec un autre homme que celui dont elle était née, n’était-ce pas folie de tenter une seule chance de bonheur contre d’innombrables chances contraires?... Un lien secret, condamné par la morale et ne rele- vant que de la conscience, blessait tout autant ou davantage en elle le sens de ces conventions dont son indépendance, pourtant aventureuse, ne croyait pas qu’on dûl secouer l’entrave : ce (1) Voyez la Revue des l" et ilJ août.