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de la masse de l’histoire contemporaine où ils sont habituellement confondus, ces actes successifs du gouvernement français apparaissent comme formant une suite logique, reliée par un motif unique, dominée par une nécessité unique. Le motif est la destruction de la Grande-Bretagne, la nécessité dérive du sentiment personnel de préservation. Chacune des deux nations, inattaquable sur son propre élément, se drossait comme une forteresse imprenable dont la reddition ne pouvait être amenée que par l’épuisement des ressources. Dans cette lutte d’endurance, Napoléon succomba. »


VI

Les Anglais acceptent, avec un empressement que la connaissance de leur caractère peut faire trouver assez extraordinaire, que le capitaine Mahan leur donne des conseils sur la conduite de leurs affaires. C’est à ses livres sur le Sea Power qu’il doit cette singulière déférence. La rigueur scientifique avec laquelle il a cristallisé en une sorte de loi leurs instincts quelque peu confus quant à la valeur de la suprématie maritime, les a plus vivement frappés que n’avait fait aucune œuvre de politique générale dans les cinquante dernières années. Ils ont vu dans le capitaine Mahan un penseur d’une profondeur extraordinaire, un Darwin édifiant tout un système, susceptible d’engendrer d’autres systèmes encore, avec des idées jusque-là flottantes et improductives.

Ils lui ont su gré, d’autre part, des sentimens bienveillans qu’il leur a toujours témoignés. Il est peu d’hommes aussi populaires aujourd’hui en Angleterre que le capitaine Mahan, et dont les paroles aient une action aussi décisive sur la formation de l’opinion. Ainsi s’explique l’intérêt avec lequel a été lu un article publié par Mahan dans la National Review de mai 1902 sur la « fédération de l’empire britannique », Motives to Imperial Federation. La fédération est dans l’air. L’Empire uni est un idéal qui séduit l’imagination populaire. Mahan conseille aux Anglais de donner à cette conception un caractère positif, de l’incorporer dans une constitution impériale, dans laquelle la mère patrie et les colonies abandonneront chacune une parcelle de leur indépendance, surtout en ce qui concerne le contrôle de la politique