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de 30 millions que le gouvernement tunisien va émettre pour la construction de son deuxième réseau de voies ferrées. Conformément aux vœux de la Conférence consultative tunisienne, les Chambres ont décidé l’exécution immédiate de la ligne à voie étroite du Pont-du-Fahs à Kalaat-es-Senam et au Kef. Un peu plus tard, quand les finances de la Régence permettront de gager le reste de l’emprunt, l’on construira, à voie étroite, la ligne de Sousse à Sbiba, et enfin, pour donner satisfaction à Bizerte, une ligne en partira pour s’enfoncer, à l’ouest, parallèlement à la côte, dans la région des Mogods et des Nefzas, où une Société concessionnaire d’importantes mines de fer s’engage à exporter, chaque année, 50 000 tonnes de minerai. En y joignant quelques milliers de tonnes de calamine et les produits agricoles que peut fournir la région parcourue par la ligne nouvelle, Bizerte disposerait, dès l’achèvement de ce réseau, d’un « fret de retour » assez considérable. Enfin, le ministère de la Guerre a décidé de faire construire de suite le raccordement, par une ligne à voie large, de Mateur à Béja, reconnu indispensable pour mettre les communications de Bizerte avec l’Algérie à l’abri d’un coup de main tenté sur Tunis et sur Djedeida, qui n’en est qu’à vingt kilomètres, par un ennemi débarqué aux environs de la capitale.

La question qui a si vivement passionné la Tunisie est donc aujourd’hui tranchée ; tout récemment, lorsque la flotte de l’amiral Gervais est venue, au cours de ses manœuvres, simuler l’attaque de Bizerte, une grande fête a réuni, dans la ville nouvelle, le résident général, les représentans de Tunis et les principaux fonctionnaires de la Régence, et il a paru qu’entre les deux rivales la réconciliation était scellée ; il serait donc malséant de revenir sur le passé. Mais l’avenir dira si ce n’est pas faire fausse route que de favoriser Tunis, dont le port, quelque argent que l’on y engloutisse, ne sera jamais que médiocre, plutôt que Bizerte ; s’il n’est pas regrettable d’ajourner l’exécution de la ligne qui doit amener à Bizerte les minerais espérés ; si cette ligne, qui aboutit à une impasse, sera très utile à la colonisation et apportera effectivement les 50 000 tonnes de marchandises promises ; si enfin la combinaison proposée est vraiment la plus économique, la plus conforme aux intérêts de la Régence et à ceux de la France. Pour nous, au nom de nos grands intérêts nationaux, nous ne saurions insister ici que sur un point : que Bizerte puisse disposer, dans l’avenir le plus