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Proserpine elle-même en est émue jusqu’aux larmes[1] ! » La scène n’a pas été exécutée.

L’acte suivant contraste, par sa belle simplicité, avec le sabbat pseudo-classique qui lui sert d’introduction. Hélène revient de Troie et rentre dans son palais, suivie d’un chœur de Troyennes captives. Mais elle apprend aussitôt que, sur l’ordre de Ménélas, elle doit être la victime d’un sacrifice qu’elle est chargée de préparer elle-même. Elle ne peut se sauver qu’en se mettant sous la protection d’une troupe de jeunes guerriers, venus du Nord, au teint clair et à la taille élancée, qui se sont établis au fond de la vallée de l’Eurotas, où ils ont construit un manoir d’une architecture nouvelle et bizarre. On les appelle des barbares, mais ils auraient rougi de commettre les cruautés dont les Grecs se sont rendus coupables sous les murs de Troie, et ils rendent aux dames un hommage discret et loyal. Hélène célèbre ses noces idéales avec Faust : c’est l’union de la beauté grecque avec l’esprit germanique. L’enfant qui naît de cette union s’appelle Euphorion, comme le fils d’Hélène et d’Achille. C’est la poésie romantique. « On croit reconnaître, dans les traits du beau jeune homme, une figure connue », dit une indication scénique. En effet, Euphorion, c’est lord Byron : ainsi le veut Gœthe. « La pièce ne pouvait être terminée, dit-il dans une lettre à Guillaume de Humboldt, qu’après l’accomplissement des temps ; elle embrasse maintenant un espace de trois mille ans, depuis la chute de Troie jusqu’à la prise de Missolonghi[2]. »

Un certain parallélisme règne entre l’épisode d’Hélène et le séjour de Faust à la cour. Il ne suffit pas au poète de nous montrer l’empire aux abois, le trésor vide, la justice vénale, l’armée sans discipline, et le secours inespéré que Faust apporte à l’empereur en le délivrant d’un anti-César, qui n’aurait sans doute pas mieux gouverné que lui. Il nous fait assister, au premier acte, à une mascarade symbolique, où l’empereur apparaît sous la figure du grand Pan, Faust sous celle de Plutus, et où sont représentées par des allégories diverses les ambitions et les convoitises qui minent la sécurité de l’État. « Nous parlâmes, raconte un jour Eckermann, de l’enfant qui guide le char de Plutus, traîné par des dragons. — Vous avez deviné, dit Gœthe, que le masque de Plutus cache Faust ; mais cet enfant, quel est-il ?

  1. Conversations, 15 janvier 1827.
  2. Correspondance avec les frères de Humboldt, 22 octobre 1826.