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jeté brusquement en bas, et où l’on voit ces mots écrits en lettres de feu : accusatus est, — judicatus est, — condemnatus est[1].

Vers le milieu du xviiie siècle, au temps de Gottsched et de Félix Weisse, les drames populaires cèdent peu à peu la place aux pièces plus ou moins classiques, imitées de la France ou de l’Angleterre. Mais Faust continue de figurer sur les théâtres de marionnettes, à côté de don Juan, d’Esther, de Médée, de Geneviève de Brabant et de l’Enfant prodigue. En 1770, au temps où Gœthe terminait ses études à Strasbourg, un drame sur Faust est encore représenté à Hambourg. En 1779, on joue à Vienne une pantomime, dont le programme est publié en français et en allemand : « Dernier jour du docteur Faust, pantomime dressée sur un plan allemand d’un de nos amateurs de théâtre, représentée par des enfans au Théâtre impérial et royal. » Suit la traduction allemande. Ce sont les marionnettes qui vécurent le plus longtemps. Toutes ces pièces, tragédies, comédies ou jeux de marionnettes, étaient rarement écrites en entier. On indiquait la suite des scènes, avec les passages caractéristiques, et l’acteur ou le régisseur brodaient sur ce canevas mobile. Après que le sujet eut été remis en lumière par le peintre Müller, par Klinger, par Lessing et par Gœthe, les érudits se mirent à recueillir et à fixer ce qui avait longtemps flotté dans la tradition, et il en résulta d’ingénieuses restitutions, comme celle que Simrock tenta en 1846. Jusqu’à quel point ces restitutions étaient-elles fidèles ? « Je n’ai pu, dit Simrock dans sa préface, suivre exclusivement aucune des différentes versions, de même que je n’ai pu en écarter aucune. J’ai dû rassembler de toutes parts les meilleurs traits. Certains détails sont puisés dans mes souvenirs, mais je n’ai rien ajouté d’essentiel. Que la forme du dialogue, que l’exécution me reviennent, et que tous les vers soient de moi, cela va sans dire. » Simrock aurait pu ajouter qu’il était impossible qu’un travail de ce genre ne fût traversé çà et là par un ressouvenir involontaire de Gœthe, dont le nom plane sur toute cette littérature[2].

  1. W. Creizenach, Versuch einer Geschichte des Volksschanspiels vom Dr Faust, Halle, 1818. — E Faligan, Histoire de la légende de Faust, Paris, 1888.
  2. Doctor Johannes Faust, Puppenspiel in vier Aufzügen, hergestellt von K. Simrock, Francfort, 1846. — Voir aussi J. Scheible, Das Kloster, 5e vol., Stuttgart, 1847.