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vos nouvelles. Je ne sais où vous êtes, ni ce que vous faites et il me tarde de recevoir de vous une lettre. Mes études ne vont pas mal ; mais, cependant plus je vais, plus je vous regrette. A toutes mes communions, je prie pour vous, je demande ardemment à Dieu de vous ramener auprès de moi comme un bon ange gardien. Je suis souvent triste ; je pense à tous les changemens, et je regrette le passé. Je vous en prie encore, revenez au moins nous voir. Venez, car votre absence me chagrine. Il me semble toujours qu’il me manque quelqu’un, et c’est vous qui me manquez. Dans les leçons, dans les récréations, partout je pense à vous. Mais cependant il faut offrir tout cela à Dieu et se consoler en pensant que c’est lui qui l’a voulu. Je vous prie de me dire si vous recevez mes lettres et celle-ci. J’espère que Mme la baronne et vos enfans se portent bien. Quant à nous, nous allons bien. Le temps est beau, la ville est triste, tout est triste. Je ne sais où nous irons. Cela m’est bien égal. Si vous aviez été auprès de moi, tous les endroits m’auraient été agréables, maintenant ils me sont indifférens. Tout ce que je vous dis là, ne le prenez pas pour des phrases, cela part du fond du cœur. Je vous prie de me répondre. J’ai appris avec beaucoup de peine que le bon Alfred[1] avait été blessé à la chasse. J’espère qu’il va mieux. Adieu, mon cher baron, je vous embrasse de tout cœur.

HENRI.


Ce sont toujours de nouvelles instances pour que M. de Damas vienne le voir.


Vous savez, mon cher monsieur de Damas, le plaisir que j’aurais à vous voir, mais j’ai compris pourquoi vous ne le faisiez pas. J’espère encore cependant que vous viendrez.

Il y aura bientôt trois ans que nous sommes séparés. Que cet espace me paraît long ! Que de choses se sont passées depuis ce temps-là !… Revenez nous voir et vous trouverez peut-être du changement en moi. Certainement ce ne sera pas par rapport à vous. Je vous garderai toute ma vie une sincère amitié et une grande reconnaissance. Que je regrette le temps où nous faisions ensemble de si belles promenades, où nous parlions ensemble ! Je voudrais bien trouver une occasion de vous revoir. Venez donc, vous serez bien reçu, venez !


A la fin de mai 1836, la famille royale quitte le Hradschin pour se rendre à Tœplitz, puis à Goritz, dont le climat méridional attirait le vieux Roi. Sur la route, à Budweiss, dans un mauvaise auberge, le Duc de Bordeaux est atteint d’une fièvre cérébrale qui met ses jours en danger. La convalescence devait être longue. C’est alors que M. de Blacas fut assez heureux pour pouvoir acheter, près de Budweiss, le château de Kirchberg, au comte d’Orsay et y donner trois mois l’hospitalité aux augustes exilés

  1. Le comte Alfred de Damas.