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revoyant Ruschtiehrad, j’ai eu du chagrin, car je croyais encore vous voir dans votre chambre. Là même, il y a plus de deux ans, je ne pensais guère à changer continuellement comme maintenant. J’étais content, je pensais toujours l’être. Écrivez-moi souvent. — Je vous écrirai encore bientôt, car quand je vous écris, je m’imagine que je vous parle encore.


C’est toujours M. de Blacas qui nous renseigne sur l’état des esprits à la petite cour :


Je n’ai, mon cher baron, écrit-il le 13 février 1836, que de bonnes nouvelles à vous donner de toutes les santés qui nous intéressent : je voudrais bien que vous puissiez en juger par vous-même, et je suis certain que notre jeune homme, car c’est maintenant un jeune homme, serait enchanté de vous revoir ; vous le trouveriez grandi, fortifié, à merveille sous bien d’autres rapports ; mais il est heureux que deux personnes qui ont voulu partir l’été dernier, ne soient plus ici ; des idées nouvelles commençaient à remplacer celles que Max…[1] avait données, et il est possible qu’il en eût été bientôt de même des principes. Dieu a permis qu’on s’en aperçût, et le mal a été arrêté à temps. L’E… d’H…[2] en a été malade d’inquiétude et de chagrin, il est encore tourmenté par des mouvemens de vivacité, qu’il regarde comme de l’emportement, et qu’on ne peut réprimer autant qu’il le voudrait, et que peut-être il le faudrait ; ils ne sont cependant plus aussi fréquens. Ce respectable E… (évêque) a été très souffrant, il est mieux, mais il a encore de la peine à marcher, et je crains pour lui une rechute. M. de B…[3] fait tout ce qu’il peut, il raisonne très bien, il parle de même ; on trouve toutefois que son ton n’en impose pas assez. Tout va néanmoins, j’allais dire clopin-clopant : vous savez mieux que personne à qui en est la faute.

La santé de M. le doyen[4] est parfaite ; quoiqu’il se tourmente beaucoup, il commence cependant à reconnaître qu’il faut tout attendre du temps et d’une volonté suprême ; en effet, les hommes n’y peuvent rien ; les esprits sont trop égarés.

Mademoiselle n’a pas beaucoup grandi, mais sous d’autres rapports plus importans, elle a incroyablement gagné ; elle est charmante à tous égards.

Malgré l’abondance des documens déjà cités, nous ne pouvons hésiter à reproduire en entier la lettre suivante. Quelle mélancolie chez ce prince de seize ans ! Il est vrai que c’est rn Bourbon éloigné de la France et ballotté entre de tristes intrigues !


LE DUC DE BORDEAUX AU BARON DE DAMAS

Ce 27 mars 1836. Mon cher monsieur de Damas, il y a bien longtemps que je n’ai reçu de

  1. Maxence, baron de Damas.
  2. L’évêque d’Hermopolis.
  3. M. de Bouillé.
  4. Charles X.