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Déplace. Tout ça fait de la peine. Je suis cependant très content de ceux qui sont auprès de moi, et M. de Bouillé voudrait, ainsi que moi, vous voir encore ici. Je dois vous accuser de ne pas tenir vos promesses. Que m’avez-vous dit quand vous êtes parti ? Que vous reviendriez nous voir dans un an, et c’est ainsi que vous nous trompez ! Ce n’est pas bien, mais je vous le pardonnerai si, au moins, vous venez bientôt. Il ne se passe rien ici. Depuis un mois, je suis au lit par un mal de pied qui provient de l’ongle qui est entré dans la chair (sic). Si vous étiez ici, ce serait tout de suite fini. Je me lamente tous les jours de votre départ. Remerciez, je vous prie, Mme la baronne de la lettre qu’elle m’a écrite. Alfred[1] est venu ici pour la Saint-Charles et va et revient toujours. J’ai été cette année chez les Rohan avec le Roi et j’y ai chassé. Je m’y suis bien amusé, mais non pas comme un roi ; car les rois ne s’amusent guère dans ce temps-ci. La princesse Berthe m’a demandé plusieurs fois de vos nouvelles. Nous ne faisons rien de bon maintenant au Hradschin. Mme de Nicolaï est arrivée[2], elle a l’air fort aimable. Depuis votre départ, on a purgé la maison de plusieurs personnes, mais il en reste toujours… Ma sœur est charmante depuis que Mme de Nicolaï est là, et ses idées sont tout à fait changées. Mlle Vachon a été rejoindre M. de Barrande, qu’elle aimait tant. Elle doit être contente. Adieu, mon cher et très cher baron, je voudrais pouvoir vous embrasser ici. Alfred s’en chargera pour moi.

Je vous aime bien.

HENRI.

P.-S. — Don Carlos (Charles V) fait de grands progrès en Espagne ; je voudrais bien être avec lui. Mais j’espère pouvoir reconquérir la France. plus tard. Car maintenant je ne le souhaite pas. Il faut d’abord que je finisse mon éducation.


Le temps n’atténue pas la douleur de la séparation. Le 19 avril 1835, Henri écrivait :


Mon cher monsieur de Damas, je vous remercie bien de la lettre que vous m’avez écrite, mais je voudrais que vous me fassiez toujours un petit sermon dans vos lettres, afin que j’en profite… Je suis assez content. Mais je vous regrette bien. Écrivez-moi donc plus souvent et je vous répondrai. Quand je reçois une lettre de vous, cela me fait plaisir, je me crois encore avec vous. Mais bientôt l’illusion cesse, et cela me fait de la peine. J’espère au moins que vous êtes heureux au milieu de votre famille… Adieu, mon cher baron, il y a déjà longtemps que nous sommes amis, j’espère que nous le serons encore longtemps… Ici, on ennuie et on tracasse : pas ceux qui sont auprès de moi, mais d’autres. Je vous embrasse, mais revenez nous voir pour ne pas me faire de peine.


Une lettre du duc de Blacas, en date du 22 avril, explique

  1. Le comte Alfred de Damas.
  2. Pour remplacer la duchesse de Gontaut auprès de Mademoiselle. Celle-ci disait plus tard : « Ce que je suis, je le dois à Mme de Nicolaÿ. »