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île son grand-père. Dans ces circonstances, M. de Damas appliquait la ligne de conduite qu’il traçait ainsi dans une lettre privée[1].


Comme il a onze ans et demi et qu’il est très avancé, il faut bien que je lui parle de beaucoup de choses dont il n’était pas question autrefois… Vous sentez que je ne juge que les choses, que je ne détermine que les devoirs ; j’évite tout jugement contre les personnes et même sur les personnes ; je manquerais tout à fait mon but s’il se formait en lui des préventions contre qui que ce soit… Lorsqu’il y a une nécessité absolue d’exprimer une pensée sur quelqu’un, j’ajoute qu’à son âge il ne faut regarder ce que l’on dit des personnes que comme des renseignemens particuliers qu’il devra vérifier un jour ; que jusque-là, il doit s’abstenir d’exprimer aucun jugement personnel.


Le 2 février 1832, le Duc de Bordeaux fit sa première communion. Tout se passa d’une manière exemplaire, mais avec la plus grande simplicité. Pour le reposer des exercices religieux, le baron de Damas, qui n’avait pas négligé de faire connaître à son élève les curiosités d’Edimbourg, le mena visiter tout le nord de l’Ecosse, jusqu’au Fort-William. Peu de temps après, la famille royale quittait la Grande-Bretagne pour s’établir en Bohème.


II

Le Duc de Bordeaux avait eu d’abord pour précepteur en titre Mgr Tharin, évêque de Strasbourg, que son incapacité obligea d’éloigner dès 1829[2]. Déjà l’abbé Martin de Noirlieu, sous-précepteur, était parti pour cause à peu près semblable[3]. L’autre sous-précepteur était M. Barrande, ingénieur des ponts et chaussées. A Paris, des professeurs venaient en outre donner des leçons : il y eut un maître d’allemand, un maître de dessin, plus tard un maître de latin[4]. Mais en exil, l’instruction du prince reposait presque tout entière sur M. Barrande : il s’en acquitta avec un zèle digne des plus grands éloges et aussi bien qu’un élève de l’Ecole polytechnique le pouvait faire. Malheureusement,

  1. Citée par M. de Pène, Henri de France, p. 138.
  2. Il obtint, sur sa demande, une pension de vingt mille francs sur la cassette de M. le Duc de Bordeaux.
  3. C’était d’ailleurs un ecclésiastique distingué, auteur de divers ouvrages de piété, entre autres une traduction de l’Imitation de Jésus-Christ.
  4. Michelet donna quelque temps des leçons d’histoire au Duc de Bordeaux et à sa sœur.