Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/609

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les autres, le nom de Damas était à la mode en Russie. Il le devait surtout à ce Roger de Damas, ami du prince de Ligne et qui représentait avec lui ce que l’ancien régime avait produit de plus brillant comme bravoure et politesse.

Son jeune parent sort de l’école à quinze ans avec le grade de sous-lieutenant, et Paul Ier le place dans la garde impériale. Justement la guerre se prépare : Damas fait ses débuts à Austerlitz, plus tard, il est blessé à la Moskowa, et en 1814 sa conduite à Brienne lui vaut les éloges des plus vieux généraux et des souverains alliés : il était alors général-major, grade correspondant à celui de maréchal de camp.

La patrie s’ouvre enfin devant ses princes légitimes : le baron de Damas était particulièrement connu du Duc et de la Duchesse d’Angoulême, auxquels il avait été présenté, dès 1802, par son parent, le comte Etienne de Damas, premier gentilhomme de la chambre du Duc d’Angoulême[1]. Ce prince voulut se l’attacher en qualité de gentilhomme d’honneur et d’aide de camp. M. de Damas ne quitte pas sans regrets l’empereur Alexandre et l’armée dont il a partagé les périls, mais il se croit plus utile en France : le trône de Louis XVIII est fragile et n’aura pas trop de soutiens. D’ailleurs, avait-il cessé d’être Français, celui qui a écrit ces lignes :


Lors même que j’étais le plus éloigné de revoir ma patrie, lorsque je combattais les armées impériales avec toute la puissance de mon esprit et de mon cœur, les sentimens de patriotisme n’ont jamais cessé d’être en mon âme ; les succès des armées françaises excitaient en moi un noble orgueil et leurs défaites me causaient quelque peine.


Pendant les Cent Jours, M. de Damas suit le Duc d’Angoulême dans le Midi et en Espagne ; il devient lieutenant général. Successivement commandant de la 8e division militaire à Marseille et de la 9e division de l’armée d’Espagne, où il prend Figuières, ministre de la guerre et des Affaires étrangères, la chute du ministère Villèle semblait devoir le rendre à la vie privée,

  1. Etienne-Charles, comte, puis duc de Damas-Crux (1734-1846), fit la guerre d’Amérique et fut maréchal de camp dans l’armée de Condé. et premier gentilhomme de la chambre du Duc d’Angoulême. — Son frère aîné, le comte de Damas, était chevalier d’honneur de la Duchesse d’Angoulême ; la comtesse Etienne, née de Seront, était dame d’honneur : les marquises de Biron et de Sainte-Maure, nées de Damas. étaient dames de cette même princesse. On prétendait que la maison du Duc et de la Duchesse d’Angoulême était meublée en Damas et doublée de même.