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sans aucun travail, aucune aide de l’homme. Le voyageur, dans les pays incultes ou désolés, établit toujours ses comparaisons avec la nature, toute façonnée depuis vingt ou trente siècles, des pays civilisés. Il n’a plus le sens de ce qu’est la nature brute. Ces pacages, sinon ininterrompus, du moins très étendus et très nombreux du Sahara, il n’est aucun doute qu’ils pourraient être, dans une certaine mesure, améliorés. En choisissant les graminées, les plantes fourragères et les espèces arborescentes les meilleures, en s’efforçant de les substituer à celles inférieures, en les semant dans les terrains les plus propices, on arriverait, avec des soins peu coûteux, mais méthodiques, à rendre cette végétation spontanée plus abondante et d’essences plus utiles ; ainsi en propageant le drinn, le mrokba, le had, plus au sud l’ana, aux dépens des sortes moins propices à la nourriture du bétail.

De même que les plantes fourragères abondent dans le Sahara, de même il s’y trouve une faune assez nombreuse et diverse : les gazelles dans le nord, les antilopes partout, les moutons, les chèvres, les ânes, dans la partie méridionale des oiseaux divers, une grande abondance de pintades, des bœufs zébus. « La végétation du had est très belle dès que l’on pénètre dans l’erg et le gibier pullule[1]. » Dans le sud, il s’y joint des girafes, des autruches, des singes, des hyènes, des chacals, des lions même[2].

Cette flore et cette faune variées font que même le Sahara central a des populations permanentes, fort espacées et disséminées il est vrai, mais susceptibles de devenir plus denses, avec plus de sécurité et de travail. On a vu plus haut, à ce sujet, le témoignage très probant du commandant Pein. Le journal même de M. Foureau en fournit aussi la démonstration. On croyait, en général, que les populations du Sahara résidaient dans quelques districts particulièrement favorisés ; le Hoggar ou Ahaggar, la lisière du Fezzan, l’Aïr. Mais on rencontre partout, quoique de loin en loin, dans cette immense étendue, des groupes d’habitans permanens, avec des troupeaux. Près d’Aïn-el-Hadjadj, aux abords du plateau du Tassili, on trouve des « amghad (serfs), des azdjer (tribu targui) ; ils ont leurs tentes près de la source précitée ; ils possèdent quelques chameaux et quelques chèvres. » Un peu plus loin, en plein Tindesset, voilà d’autres Touareg, habitant des gourbis avec des chèvres et des moutons Un peu plus loin

  1. Mission saharienne, p. 28, 29, 38.
  2. Ibid., p. 155, 286.