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pu sauver ses papiers et n’ayant pas une capacité ou une compétence propre qui leur permît de rapporter des informations personnelles dignes de foi, il en résultait que le quart à peu près de la ligne droite entre le sud de l’Algérie et le Soudan, à savoir : toute la partie du trajet s’étendant entre les environs de Timassânine, vers le 28e degré nord, et Issala, vers le 22° et demi, soit un intervalle de 5 à 6 degrés environ, échappait à toute connaissance des Européens. Il s’agissait, à la fois, de combler cette lacune et de montrer qu’un groupe de Français, voyageant ostensiblement en mission officielle, pouvait traverser d’outre en outre le Sahara central.

Si la France avait les habitudes de l’Angleterre et de la Russie, elle ne se serait pas endormie dix-sept ans sur le désastre de la seconde mission Flatters en 1881. La destruction, grâce à la trahison d’un guide et à l’excès de confiance du chef, d’une mission qui ne comprenait qu’environ quatre-vingts personnes, presque tous soldats indigènes ou chameliers sahariens, n’eût pas été considérée comme un événement qui dût nous interdire définitivement la traversée du Sahara et l’accès, par cette région, du Soudan central. Telle est, cependant, notre légèreté, que cet incident, triste sans doute, mais tout secondaire, découragea notre gouvernement et qu’on renonça, en quelque sorte pour toujours, à tenter une épreuve nouvelle, avec une préparation plus méthodique qui, l’expérience l’a prouvé, en eût assuré le succès.

Il se trouvait, dans le sud de la province de Constantine, un colon algérien, à l’esprit fort entreprenant et au caractère vigoureusement trempé, M. Fernand Foureau, qui rêvait de reprendre, dans des conditions meilleures, l’expédition Flatters. L’administration française s’étant interdit les grands desseins et les hautes visées, il dut se contenter d’explorations souvent renouvelées dans un rayon de 6 ou 700 kilomètres au sud et au sud-est de Ouargla. De 1884 à 1896, avec des missions données par le ministère de l’Instruction publique, il explora presque en tout sens la contrée comprise dans ce rayon ; il parcourut ainsi, en neuf voyages, 21000 kilomètres dont 9000 en pays nouveaux. Ces tournées le familiarisaient avec le désert et ses habitans ; il connut à fond les Chambba et, autant qu’on peut les connaître, les Touareg.

Il est probable que les précieuses facultés de M. Foureau et