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consisté et il nous est impossible de le savoir avec certitude[1]. Nous pouvons seulement soupçonner qu’il dut avoir une certaine importance et qu’il était de nature à contenter tout à fait le public, puisque le succès en fut si rapide et si complet.

Les pères de famille et les jeunes gens surtout en étaient charmés. Ce que nous dit Quintilien des pères de cette époque montre qu’ils ressemblaient beaucoup à ceux d’aujourd’hui. Ils avaient une très haute opinion de leurs enfans ; ils trouvaient de l’esprit à toutes leurs saillies, ils répétaient leurs bons mots, ils admiraient leur bavardage ; et, comme ils ne se lassaient pas de les écouter, ils voulaient que le maître leur donnât l’occasion de se faire entendre. Ils exigeaient donc qu’on les fit déclamer le plus souvent possible et ne trouvaient d’intérêt qu’aux séances où leur fils prenait la parole ; le reste leur était indifférent. C’est ainsi que les déclamations finirent sans doute par absorber presque tout le temps des élèves à l’école.

Quand l’élève arrive chez le rhéteur, vers treize ou quatorze ans, il sort des mains du grammairien, qui lui a enseigné tant bien que mal tout ce qu’on apprend chez nous jusqu’à la fin de la classe de seconde. On l’a même préparé, pendant les derniers temps, à l’enseignement que le rhéteur va lui donner et qu’on regarde comme le couronnement des études. Il attend avec impatience qu’on le mette véritablement à la rhétorique, et surtout qu’on le fasse déclamer. Songez que, le jour où il prendra part à cet exercice, il va devenir, au lieu d’un élève, un personnage qu’on écoute et qu’on applaudit. Au milieu de l’émotion du jeune auditoire, le maître donne le sujet de la déclamation ; puis, après l’avoir énoncé, il l’explique. Il montre quel en est le caractère, de quels développemens il est susceptible, s’il faut mettre les personnages eux-mêmes en scène et supposer qu’ils défendent leurs intérêts, ou s’il convient mieux de les tenir éloignés et de leur donner un avocat ; il indique les dangers qu’il faut éviter et les principaux argumens dont on peut se servir. Cette partie préliminaire qu’on appelle sermo, est le véritable enseignement du professeur, et Quintilien exige qu’il y donne beaucoup d’importance. Alors le rôle de l’élève commence. Il

  1. On déclamait aussi dans les écoles grecques, mais Sénèque semble dire que ce n’était pas de la même manière qu’à Rome. La déclamation, à Rome, dut prendre un caractère nouveau et plus romain. Ce qui paraît le prouver, c’est que tous les mots qui désignent les exercices scolaires sont latins.