Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/401

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mépris de la leçon elle-même. « Faites honneur à votre ouvrage et votre ouvrage vous fera honneur. » Ainsi qu’on jette bas les vieilles classes humides et sales, qu’on élève de nobles murailles, qu’on les couvre de photographies si l’on est pauvre, de fresques dès qu’on pourra se permettre cette dépense. Ainsi fut fait à Uppingham ; on commença par des gravures, et puis on put arriver à orner de fresques les « nobles classes, » et lord Carnarvon, qui vint inaugurer cette merveille, se demanda, dans son discours, si depuis le temps du portique Athénien, la science avait jamais été distribuée dans des salles plus aimables et plus dignes d’elle.

Au soir de cette journée triomphale, Thring écrivait sur son journal. « Voilà un grand jour ! un beau baptême d’une idée capitale ! Voilà qui montre à tous l’importance de faire son travail avec des instrumens convenables et le devoir de rendre aussi excellent que possible tout ce qui est à l’usage des enfans ! »

En 1882, ces idées étaient encore presque nouvelles. Qui donc avait remarqué dans l’exquis petit livre de Fénelon le conseil de donner aux enfans des livres dorés sur tranche, et, de ceux qui l’avaient remarqué, qui donc en avait saisi le sens profond ? La routine était là, tenace, et comme il arrive souvent, un certain gros bon sens se liguait avec elle pour aider nos pères à mépriser ces bagatelles. Un vieil ami de Thring, homme fort sage, vint pour lui être agréable visiter les fameuses fresques et, au lendemain de cette visite, lui communiqua bonnement ses impressions.


Pour moi, je suis incrédule ou sceptique : du rouge de Pompéi sur les murs ou des taches d’encre et des inscriptions d’écolier, c’est tout un. Je crois aux hommes, à l’esprit, au courage, à l’amour, à la foi, aux bénédictions de Dieu, voilà ce qui a fait de ton école une grande et bonne école.


La réponse ne se fit pas attendre. Elle est un peu longue mais très amusante, d’autant qu’elle fut écrite sans un sourire et sous le coup d’une violente indignation.


Dieu ne donne sa bénédiction qu’à ceux qui savent employer les moyens humains de succès. Dieu ne crut pas compromettre sa majesté, au temps où il élevait son peuple, en donnant des prescriptions spéciales sur la matière et le dessin des habits, la couleur des rubans, la disposition des franges. Tout fut fait sur le patron montré par Dieu. Dieu remplit de l’esprit de sagesse les hommes qui travaillèrent aux vêtemens d’Aaron. Et tous les ouvriers en or, argent, étain, marbre, bois et broderie furent expressément inspirés de Dieu, pendant les années de collège du peuple choisi.