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8 juin 1887. — La plus glorieuse, la plus touchante, la plus jolie chose qui me soit jamais arrivée. Les deux petits nouveaux B… dont le père est aux Indes, sonnent ce matin à ma porte. Ils entrent avec une lettre de leur père et me disent qu’ils ne peuvent pas la lire et me demandent de vouloir bien la leur lire. Dire que ces enfans qui ne sont pas de ma maison viennent à moi pour que je leur lise la lettre de leur père ! Il y a plus d’un mois qu’ils sont ici, plus qu’il n’en faut pour prendre l’esprit collégien et dépouiller la candeur du nouveau. C’est quelque chose de glorieux ! Quel grand honneur de pouvoir inspirer tant de confiance et quelle douceur pour ma dure vie !


En février 1880, le portraitiste Johnson l’ayant représenté plus génial que sévère, Thring s’en félicite en ces termes :


Le premier sot venu peut être sévère, mais pour être vraiment cordial, il faut une spéciale bénédiction de Dieu.


Le 30 juillet 1880, il s’arrête avec douceur sur un curieux mélange de souvenirs :


Quand je pense comment quelquefois je les ai battus,… et quand je vois leur affection, l’envie me prend, à la fois, de rire et de pleurer.


ou bien, le 30 mars 1874, au moment du départ pour les vacances, il écrit :

Pauvre petit X ! .. je n’ai pas pu retenir mes larmes ; il a fait le tour de la table, petit comme il est, pour venir à moi, et m’a dit adieu en pleurant. Ça faisait pitié.


Nous reviendrons à ce côté très intéressant de ce caractère de lutteur. Il ne s’agissait ici que d’esquisser un premier crayon et ces lignes auront suffi à exorciser le fantôme du pédagogue solennel dont la morgue est incapable de s’attendrir devant les petits enfans. Nous avons trouvé un homme, faisons maintenant connaissance avec l’éducateur :


2 juin 1860. — Je remercie Dieu de tout mon cœur pour une nouvelle preuve de sa miséricorde et de son pouvoir. A… est venu chez moi pour s’accuser d’avoir joué aux cartes à Buckingham. La tentation était grande ; ils avaient trois heures d’attente, mais il était bouleversé et me dit eu pleurant qu’il ne pouvait aller à la sainte communion sans m’avertir. Je lui ai rendu courage… Quand je vois de tels résultats, je me sens plus fort.

3 avril 1863. — (Après une visite à un élève gravement malade.) À ces momens-là, je sens la récompense du bon travail. Je n’ai pas peur de rencontrer mes élèves devant le Juge !…

12 mars 1865. — A… est venu chez moi et, avec beaucoup de larmes, m’a avoué qu’il s’était fait aider pour ses vers latins et que cette honte