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de 0 fr. 60, il est naturel et de conséquence étroite que le prix de la journée s’en ressente, que cette simple différence de 0 fr. 50 par berline se retrouve, à la fin du travail, grossie et multipliée autant de fois qu’il entre de berlines dans le compte du salaire ; de là, de ces variations du prix de la berline, des variations sensibles de la journée du mineur.

Il est des ouvriers qui, dans une bonne taille, peuvent se faire jusqu’à des journées de huit francs, mais c’est là toujours un fait isolé et exceptionnel, ce n’est qu’un heureux accident. Lors de ma visite aux mines de B…, on acceptait comme prix courant de la journée du mineur environ 6 fr. 70. Ce chiffre était celui qui ressortait de l’examen des « Bon à payer » et celui que les ouvriers eux-mêmes avaient. Interrogé par nous sur le gain de ses journées pendant la dernière quinzaine, un mineur répondait : Dans les environs d’un petit sept francs. Et, quoique chargé d’enfans et se plaignant, à cause d’eux, de ne pouvoir « faire dimanche : » — Quand on a coupé huit tartines sur un pain de trois livres, dites-moi un peu ce qu’il en reste ! — de ce salaire en lui-même il ne se montrait point mécontent. Il récriminait plutôt, mais sans excès de mauvaise humeur, contre la vie que contre le métier. « Un petit sept francs » lui semblait acceptable, et l’on tient, en effet, dans les mines de houille, ce salaire aux environs de 7 francs pour un salaire normal. « Au-dessous de 6 francs, me dit l’ingénieur en chef du fond, on considère le salaire comme trop faible ; au-dessus de 7 comme trop fort[1]. »

Mais, de 6 à 7 francs, c’est le salaire du mineur proprement dit, du piqueur, de l’ouvrier à veine ; ce n’est pas le salaire moyen des ouvriers du fond, toutes catégories mêlées, c’est bien moins encore le salaire moyen des ouvriers de la mine, fond et jour réunis. Nous parlons ici de « salaire moyen ; » et nous dirons tout à l’heure pourquoi nous avons tort d’en parler, pourquoi nous ne devrions pas et ne voudrions pas en parler ; mais les statistiques nous le donnent, le salaire moyen ; quelques-unes ne nous en donnent pas d’autre ; et il nous fournit au moins une indication par à peu près. Dans la Loire, le salaire journalier moyen des ouvriers du fond était de 4 fr. 80 en 1897, de 4 fr. 82 en 1898, de 4 fr. 91 en 1899, de 5 fr. 21 en 1900, de 5 fr. 25 en 1901 ; celui des ouvriers du jour était de 3 fr. 32 en 1897,

  1. On peut dire même que certaines compagnies, notamment dans le bassin de la Loire, se sont fait une règle de compléter toujours ce salaire de six francs.