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le roi de France à leur mode et non à la sienne, comme lorsqu’ils se battaient contre lui « pour son service, » et afin de le « délivrer » de son premier ministre. Louis XIV voudra être servi à sa mode à lui, qui était d’être obéi, et il se sentira de force à l’imposer. Il fallait toute la naïveté de Mademoiselle pour s’imaginer qu’elle lui ferait admettre ses distinctions de vieille Frondeuse entre M. le Prince, à qui l’on avait le droit de souhaiter des succès, et les soldats espagnols commandés par M. le Prince, auxquels il n’était pas permis de s’intéresser.

Elle avait si peu conscience du changement qui s’était produit dans les esprits dès le lendemain de son exil, qu’elle n’essaya même pas de dissimuler son chagrin à la nouvelle de la victoire d’Arras, remportée par Turenne le 27 août 1654. La Grande Mademoiselle se crut en règle avec son roi et son pays lorsqu’elle eut écrit dans ses Mémoires : — « Je n’ai point souhaité que les Espagnols remportassent des avantages sur les Français, mais je souhaitais fort ceux de M. le Prince, et je ne me pouvais persuader que cela fût contre le service du roi. » Il y avait alors quatre mois que le jeune monarque était entré, le fouet à la main, au Parlement, pour lui défendre de se mêler de ses affaires ; mais sa cousine n’avait pas plus compris cet avertissement-là que les autres. Pas une fois la pensée ne lui était venue que les branches cadettes étaient parmi les vaincus, et que les parens du roi de France, bien éloignés de pouvoir prétendre à lui dicter la loi, seraient désormais les plus étroitement tenus de tous ses sujets : il leur a fallu les approches de la grande révolution pour reprendre de l’importance, et l’on sait si Louis XVI et Marie-Antoinette ont eu à s’en louer.

Ce fut Monsieur qui se chargea de ramener sa fille au sentiment de la réalité. Il était dit qu’aussi longtemps qu’il vivrait, les expériences amères viendraient à Mademoiselle par ce prince dangereux.


V

Gaston d’Orléans était sorti de scène, à la fin de la Fronde, en vrai personnage de comédie. Sa femme disait, moitié pleurant, moitié riant, qu’il lui avait semblé entendre Trivelin, célèbre acteur comique qui jouait ce que nous appelons aujourd’hui les rois d’opérette. La rentrée de la Cour à Paris avait été annoncée