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laissés de son passage au ministère de l’Instruction publique et qui n’avaient rien d’effrayant, quelques discours aux tendances vagues qu’il avait prononcés, permettaient de se demander ce qu’il ferait. Beaucoup de républicains modérés n’ont pas voulu partir en guerre contre lui avant d’être fixés à cet égard, et nous ne le leur reprochons pas. Ils voulaient voir, ils ont vu. Les premiers actes de M. Combes ne leur ont laissé aucun doute sur ses dispositions véritables. Il aurait pu être un homme de gouvernement ; il a préféré être un homme de parti. Il aurait pu travailler à l’apaisement que conseillait M. le Président de la République ; il a préféré vivre de la guerre des consciences. On le connaît maintenant. Il n’est qu’un instrument entre les mains des radicaux-socialistes, et nous savons de reste, ne fût-ce que par la lecture de leurs journaux, où ceux-ci entendent nous conduire. Mais le pays s’y laissera-t-il mener ?

En tout cas, si une opposition résolue, active, énergique, ne se forme pas dans le Parlement, où chacun croit avoir à ménager tant d’intérêts divers, elle peut et elle doit se former en dehors de lui. Il n’est pas nécessaire d’être député ou sénateur pour jouer un rôle politique. Les fondateurs de la Ligue pour la liberté de l’enseignement ont donné à cet égard un bon exemple. Mais tous ceux qui, par un moyen quelconque, la parole s’ils sont orateurs, la plume s’ils sont écrivains, la propagande s’ils sont hommes de bonne volonté, peuvent agir sur le pays doivent le faire avec ardeur et avec persévérance. Il est possible qu’on ne les croie pas d’abord : on les croira davantage, lorsque les événemens leur donneront raison et qu’aux ruines morales déjà accomplies viendront s’ajouter les ruines matérielles déjà menaçantes La République a pu se fonder et a duré chez nous plus que tout autre gouvernement parce qu’elle a été longtemps libérale et modérée. Un gouvernement se retrempe et se fortifie en revenant à ses origines, et c’est dans l’intérêt de la République comme de la France que, sans illusion comme sans faiblesse, nous faisons appel à l’opinion pour renouer les traditions du passé et préparer un meilleur avenir.


FRANCIS CHARMES.