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menacée. La victoire sera au bout de l’effort, mais de l’effort « prolongé, » comme disent les fondateurs de la Ligue. Nous avons le regret de ne connaître aucun moyen de réussir plus vite.

Le mal, disons-nous, est très profond : cependant, les manifestations auxquelles viennent de se livrer les conseils généraux, manifestations que les amis du ministère invoquent avec quelque fracas, ne sont pas faites pour décourager ceux qui espèrent y remédier. Les assemblées départementales se sont réunies, le 18 août. Leur loi organique leur interdit expressément d’émettre aucun vœu politique ; mais c’est une loi dont M. Vallé a oublié de parler, lorsqu’il a dit qu’il fallait les respecter toutes. S’il s’en était souvenu, il aurait hésité dans son affirmation. Le gouvernement, en effet, est le premier à encourager les conseils généraux à la violer, à la condition, bien entendu, que ce soit en sa faveur. Si un conseiller général soumet à ses collègues une motion contraire à la politique ministérielle, le préfet proteste, et, si on ne tient pas compte de sa protestation, il quitte la salle des séances en faisant claquer la porte. Mais si, au contraire, un conseiller général propose de féliciter le gouvernement de l’énergie avec laquelle il applique la loi sur les associations, le préfet ne dit rien, et, une fois la motion votée, il s’empresse d’en télégraphier l’heureuse nouvelle au ministère de l’Intérieur. M. Combes s’en montre enchanté. Il s’est même passé dans un conseil général, celui du Cantal, un détail amusant. M. le ministre de l’Intérieur, interrogé sur un sujet quelconque, — la date, croyons-nous, de l’ouverture de la chasse, — a joint à sa réponse des remerciemens chaleureux pour l’approbation que le conseil général avait donnée à la politique. On s’est regardé avec quelque embarras, et un membre du conseil a fait remarquer qu’aucun vote n’avait été émis dans ce sens. L’omission a été réparée par la suite ; mais le fait montre comment procède M. Combes, et à quel point il tient aux félicitations des conseils généraux, puisqu’il va quelquefois jusqu’à les amorcer. Cependant ces assemblées, sur lesquelles les préfets ont une si grande influence, ne lui ont donné qu’une demi-satisfaction. Un peu plus de la moitié d’entre elles, mais pas beaucoup plus, lui ont adressé des complimens. C’est peu. Si, de plus, on va au fond des choses, on s’aperçoit que la plupart de celles qui ont approuvé la politique du gouvernement, l’ont d’ailleurs fait dans des termes généraux et vagues. Beaucoup se sont contentées de dire, comme M. Vallé, qu’il fallait bien que les lois fussent respectées, sans paraître se douter qu’elles violaient celle qui les institue. De ces manifestations, qu’on a imprudemment