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En souvenir du lis de l’antique blason
Que, dans Florence, la discorde a fait vermeil,
Dante, j’incline enfin sur le profond sommeil
De ton poème ardent ces fleurs de la saison.

A l’ombre des grands lis dormira ton poème :
Des lis à pleines mains ! Ces mots par toi redits,
Hommage aux habitans du lointain Paradis,
Evoquent la Toscane et les accens que j’aime.

J’imprime à ces feuillets un long frémissement,
Egrenant tes beaux vers qu’au passage on peut lire,
Ici, là, dénoués en arpège de lyre ;
Et le silence est plein de leur enchantement.


LA JEUNE DAME PÂLE À DANTE ALIGHIERI


Oui, les yeux trop aimans lisent la destinée
Des aimés : je peux lire un signe de malheur ;
Béatrice eut la gloire et je veux la douleur,
Sainte douleur que j’ai seule ambitionnée.

Ta douleur est à moi, car tu me l’as donnée,
Comme un vaste royaume et comme une humble fleur,
Un royaume infini que j’arrose d’un pleur,
Une fleur ignorant le déclin de l’année.

C’est assez : toute gloire est un présent moins haut,
Je cache dans mon cœur suave et sans défaut
La fleur dont le parfum monte jusqu’à Dieu même.

Et le rêve est de ceux que rien ne doit troubler,
D’essuyer sur ta joue, ô mon orgueil suprême !
Des larmes que jamais je n’aurai fait couler.


FANTOMES


Dans la profonde paix de vos salles fleuries,
Et quand l’or des flambeaux se répand dans le soir,
Les roses dont le cœur se fait un encensoir
Ont des parfums plus doux parmi les boiseries.