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propositions courtes, bien coordonnées, reliées par des et ou des mais, exprimés ou sous-entendus, suivant qu’il veut prendre une allure plus lente ou plus rapide. Il rejette souvent les propositions subordonnées entre parenthèses. De la sorte, son style a gagné en concision, il coule d’un mouvement égal et avec un rythme délicieux. Les mots bien choisis et harmonieux avaient à ses yeux un charme propre et il les avait cueillis dans ses lectures de nos classiques anglais et les avait emmagasinés dans sa mémoire, dépôt inépuisable, d’où il pouvait les tirer à son gré pour former des phrases neuves et heureuses. Il a pris pour modèle, dans notre prose, sir Thomas Browne. Personne, même ses plus sévères critiques, ne lui conteste la primauté du style entre les romanciers modernes[1]. »

En somme, Robert Louis Stevenson, surtout dans les deux dernières parties de son œuvre, nous paraît avoir toutes les qualités pour plaire au public français: l’étrangeté des sujets, l’originalité des caractères et la clarté et l’élégance du style. L’accueil que ce public a fait à ceux de ses romans qui ont été traduits, — et ce ne sont pas les meilleurs, — nous est un garant du succès qu’auraient les autres et nous amène à exprimer, en finissant, le vœu qu’on publie dans notre langue les chefs-d’œuvre de l’écrivain qui a le mieux personnifié, depuis Walter Scott, les sentimens épiques et chevaleresques de l’âme écossaise.

Gaston Bonet-Maury.



  1. Development of the english Novel, p. 286.