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de l’État. Et cela sans doute coûtera très cher. Les communes où l’on vient de fermer des établissemens d’enseignement libre sauront bientôt de quel poids pèsera sur leur budget l’obligation d’élargir leurs écoles ou d’en créer de nouvelles et d’avoir des instituteurs en surcroît. Le budget de l’État le saura aussi. Mais ce n’est là qu’un commencement, et nous en verrons bien d’autres, à moins que le pays lui-même, inquiété dans sa conscience et alarmé dans ses intérêts, ne secoue le joug des sectaires qui prétendent, comme on disait autrefois, le faire marcher.


C’est ainsi du moins que nous comprenons la tâche de la Ligue de l’enseignement libre ; mais c’est sa tâche d’avenir. La première chose à faire aujourd’hui est de s’adresser aux tribunaux, afin de savoir s’il y a encore une justice en France et si les particuliers peuvent y recourir contre les entreprises illégales du gouvernement. Sur plusieurs points, M. Combes s’est certainement mis dans son tort. On dit que les congrégations n’ont pas toujours été bien conseillées par leurs jurisconsultes ; M. Combes ne l’a pas été non plus par les siens. Si les congrégations ont été imprudentes en ne multipliant pas leurs demandes d’autorisation, M. Combes a été violent à l’excès en trouvant là le prétexte qu’il cherchait pour fermer leurs établissemens. Dans son impatience de faire vite et de frapper fort, il s’est arrogé des droits qu’il est permis de lui contester. Les tribunaux compétens auront à se prononcer entre lui et les citoyens qu’il a lésés.

Quant aux autres, qui ne sont ni congréganistes, ni propriétaires d’immeubles scolaires, c’est pour la liberté qu’ils doivent combattre : nous n’en connaissons pas de plus sacrée que celle de l’enseignement. Question juridique à débattre, question politique à agiter, il y a là deux champs d’action ouverts à l’activité de tous ceux qui pensent que la République a le devoir d’être libérale et tolérante. Mais, dès maintenant, M. Combes peut s’apercevoir qu’il s’est trompé en croyant qu’il suffisait d’être brutal pour supprimer les difficultés, et que tout le monde s’inclinerait docilement devant ses circulaires ou même ses décrets. Il a eu le tort d’annoncer prématurément qu’il en serait ainsi. La campagne s’engage : nous verrons si, de M. Combes ou des libéraux, ce sont les libéraux qui s’useront les premiers.

Edouard VII a été solennellement sacré à Westminster le 9 tout. Les tristes pressentimens que sa maladie avait fait naître sont définitivement dissipés. Non seulement son rétablissement, après l’opération qu’il a subie, a suivi une marche régulière, mais cette marche a été