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de la liberté : pourquoi, à l’heure où tant de gens cherchent à faire l’unité morale du pays par l’oppression, ne chercheraient-ils pas à la faire par la liberté ? On n’est pas libre de penser, dit la Ligue, dans l’Appel qu’elle a publié, quand on ne l’est pas de répandre publiquement sa pensée ; on ne l’est pas quand on n’est pas libre de faire élever ses enfans selon ses idées, sa conviction et sa foi… A tous ceux qui pensent comme nous, libres penseurs, israélites, protestans, catholiques, sans distinction d’opinions, ni de partis, nous adressons le présent appel. Usons de toutes les armes que nous donnent les mœurs et les lois, réunions, conférences, publications, pétitions, consultations juridiques, appels par la parole et par la presse, tout ce que permet la lutte légale, tout ce qu’elle comporte pour éclairer l’opinion doit être mis en œuvre. » On le voit, le programme d’action de la Ligue est très vaste, et il doit l’être pour répondre aux besoins d’une propagande destinée à se répandre à travers tout le pays. Dans l’état de nos mœurs, c’est surtout par la parole et par la presse que l’on agit puissamment sur les esprits. Tant d’idées fausses ont été mises en circulation, tant de mensonges ont été répandus, tant de calomnies ont été propagées que la Ligue aura beaucoup à faire pour en dissiper le nuage épais et lourd.

Heureusement elle a à son service un mot très simple, celui de liberté. Il ne s’agit pas d’exprimer une préférence pour un enseignement et contre un autre, ni même de faire l’éloge des congrégations religieuses et des services qu’elles peuvent rendre. Chacun en juge à sa manière. On peut fort bien n’aimer ni l’enseignement congréganiste, ni les congrégations elles-mêmes, et défendre leur liberté. Les jacobins veulent obliger tout le monde à penser et à se conduire comme eux ; les libéraux, au contraire, laissent chacun penser et se comporter comme il lui plaît. Nous sommes avec ces derniers, et la majorité du pays l’est aussi. Le malheur est que cette majorité, au moment des élections, n’a pas compris de quoi il s’agissait. On le lui a déguisé avec le plus grand soin. On l’a trompée avec beaucoup d’adresse. La plupart des radicaux et des socialistes lui ont présenté des programmes presque anodins ; il s’agissait pour eux d’être réélus ; on verrait après. Quant au gouvernement d’alors, si la loi sur les associations renfermait réellement tout ce qu’on en tire aujourd’hui, pourquoi ne l’a-t-il pas appliquée ? N’en avait-il pas le devoir ? M. Waldeck-Rousseau a accordé aux congrégations de nouveaux délais qui n’étaient pas dans la loi : en avait-il le droit ? En se l’attribuant, il a montré tout le premier qu’il s’agissait là d’une loi purement politique,