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En revanche, l’expérience qui se poursuit en Belgique est loin d’être défavorable à la représentation proportionnelle. La nouvelle loi électorale y a réduit à leur juste valeur les élémens de désordre, elle a mis en relief les grands partis de gouvernement, et assuré au ministère une majorité homogène et solide avec laquelle il peut travailler en toute sécurité au bien du pays.

C’est qu’en effet, plus une assemblée reproduira fidèlement la réelle image du pays tout entier, c’est-à-dire plus le système de la représentation proportionnelle sera rigoureusement appliqué, plus il y aura de chances de voir triompher une majorité d’hommes sages, tranquilles, ennemis des agitations et des vaines luttes politiques, où tout gouvernement sérieux trouvera un appui solide et durable. La grande masse de la nation, celle qui travaille, produit et épargne, n’a cure des déclamations enflammées des politiciens. Elle ne redoute rien tant que les discordes civiles, pourvoyeuses de misères, et, le jour où ses suffrages seront recueillis avec sincérité, son choix ne sera pas douteux. Tant que, par un chef-d’œuvre d’incohérence, notre système électoral fera de la Chambre l’élue de la minorité, il y aura de grandes chances pour voir durer le règne des orateurs d’estaminet, des commis voyageurs en grève, des tribuns de réunions publiques, et de leur clientèle tumultueuse qu’un député courageux n’hésitait pas l’autre jour à qualifier de « partie la moins recommandable de la population. » Mais, le jour où une organisation nouvelle permettra de recueillir et d’utiliser les votes de tous les citoyens, on aura un parlement qui, constitué à l’image de la nation, saura comme elle travailler, produire et épargner.

En veut-on la preuve ? Elle ressort avec la dernière évidence des dernières élections. Toutes les fois, en effet, que, par suite de circonstances quelconques, on est parvenu à grouper sur un nom la grosse majorité, ou tout au moins plus de la moitié des électeurs d’une circonscription, il y a deux chances sur trois pour que ce nom soit celui d’un candidat modéré. Au contraire, moins un député est réellement le représentant de sa circonscription, c’est-à-dire moins le nombre de ses électeurs approche du total des inscrits, plus il y a de chances pour qu’il appartienne aux partis avancés et violens. Le fait est certain, et les chiffres ont ici une éloquence toute spéciale.

Sur 148 députés qui représentent plus de la moitié des