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limitées : ils représentent la France entière. De leurs électeurs, ils ne tiennent qu’un titre ; leur pouvoir leur est conféré par la loi, qui reconnaît à chacun d’eux la plénitude de la souveraineté nationale. Ce sont des co-souverains égaux en droits, et cela est si vrai que la disparition d’une partie d’entre eux n’empêche pas les survivans de légiférer valablement pour la totalité du territoire.

Non, soutiennent les autres, car les députés n’ont pas de pouvoir propre. Le pouvoir souverain n’appartient qu’au peuple : les députés sont de simples mandataires, et tant valent les mandans, tant valent les mandataires.

La controverse est embarrassante ; les premiers ont raison, je le veux bien, mais les seconds n’ont certaine nient pas tort. Du principe abstrait, ou du raisonnement simpliste, accessible à tous, lequel sacrifier ? Ce sera l’affaire du Parlement. S’il tient pour l’abstraction, tant pis pour les 21 000 Flamands radicaux de M. Bersez ; ils continueront à être tenus en échec par les 2 000 montagnards nationalistes de M. de Castellane : si pareille conséquence l’effraye, à lui d’apprécier s’il ne conviendrait pas d’introduire dans notre système politique les usages de notre droit civil et commercial. Dans toute assemblée d’actionnaires, on vote non par tête, mais en fonction des intérêts représentés. Pourquoi ne pas procéder par analogie et attribuer à chaque député un nombre de voix proportionnel au nombre de ses électeurs ? Mais la France n’est pas une maison de commerce, diront les puritains, et une Chambre démocratique n’a pas à copier les assemblées capitalistes ! — Cependant le bruit court (et les plus vieux habitués du Palais-Bourbon s’en font l’écho) que, les jours où l’on discute des lois d’affaire, on siège fort à l’aise sur les bancs de la Chambre. 25 ou 30 législateurs sont en séance, mais l’Officiel enregistre imperturbablement 4 à 500 votans. Certains députés ont donc disposé d’une vingtaine de voix. Nous n’en demandons pas tant.


IV

Scrutin uninominal par département ; réversibilité des votes ; proportion établie entre le pouvoir législatif des députés et leur pouvoir représentatif, telles sont les trois idées d’où il s’agira de dégager une loi nouvelle, le jour où l’on voudra introduire au