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pénible, avec des marches très hautes, très étroites et très inégales. » Il en était de même un peu partout. Par ces plans inclinés et ces escaliers taillés dans les couches, par ces rampans et ces grimpans, en s’aidant des pieds et des mains, « les garçons remontaient le pérat (le gros charbon) en charges de 74 kilogrammes, et les femmes, le menu en charges de 50 kilogrammes[1]. »

Il en était ainsi un peu partout, et il en fut ainsi très longtemps. Dans le bassin de la Loire, « il subsistait encore en 1837 quelques exploitations par fendues, où le charbon était sorti par des porteurs, tantôt sur des voies de niveau, tantôt (et c’était le cas ordinaire) par des galeries inclinées en moyenne de 20 degrés, tantôt enfin par des galeries de pente plus raide avec escaliers formés au moyens de buttes. A ciel ouvert, la charge du porteur était de 75 kilogrammes ; en voie de niveau souterraine, de 60 ; en galerie de pente modérée, de 50 kilogrammes. Elle était réduite à 40 kilogrammes, quand il fallait gravir des escaliers, par exemple à Montrambert. Le portage à des devint de plus en plus rare, et ne disparut à peu près complètement que vers 1850. » Et, en 1850, il en allait encore comme il en allait un siècle auparavant : l’habitude et l’hérédité avaient, en quelque sorte, « cliché le mouvement dans les moelles[2] » de l’ouvrier. « Le sac en toile, dans lequel le charbon était chargé, était fermé par un fragment de charbon, sur lequel passait une ficelle attachée au bord du sac, que le porteur saisissait et retenait de l’autre bout avec ses dents. De ses mains libres, il portait d’un côté la lampe, et de l’autre côté une béquille sur laquelle il s’appuyait, surtout dans les galeries inclinées. »

Le progrès n’avait pas été insignifiant, quand, au lieu de porter le charbon dans des sacs, à travers le labyrinthe rocailleux des galeries du fond, on avait commencé à le traîner dans des bennes armées de patins, et quand, au lieu de le monter à des d’homme, on l’avait amené à la surface, avec le secours d’un treuil mû à bras d’homme, et plus tard par un manège à cheval. Dans les mines aussi, et sous terre comme sur terre, le

  1. Nous empruntons tous ces détails sur le travail, autrefois, dans les mines à l’intéressant ouvrage de M. E. Lescure, Historique des mines de houille du département de la Loire, 1 vol. in-8o ; Saint-Étienne. J. Thomas et Cie, 1901.
  2. Cette expression est de M. André Liesse, dans son remarquable livre : le Travail, aux points de vue scientifique, industriel et social, 1 vol. in-8o, 1899 ; Guillaumin.