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(moins d’un an) à cinq ans de services ; de cinq à dix ans de services, la chute est brusque, si brusque qu’on en est étonné et que l’on craint de voir effacé le signe de fidélité au métier que paraissait donner le retour de l’ouvrier, à sa libération du service militaire. Tout à coup le nombre tombe, si l’on peut ainsi dire, de plus de trois fois, de presque quatre fois sa hauteur : pour 2 995 ouvriers ayant de moins d’un an à cinq ans de services, il n’y en a plus que 849 ayant de cinq ans de services à dix ans. Mais peut-être n’est-ce là qu’une infidélité à la mine ou plus exactement à cette mine, à la compagnie de B…, et n’est-ce pas l’abandon du métier ; le point mériterait d’être éclairci. Dans tous les cas, une constatation doit être faite, très intéressante et même très importante, quoique peu réjouissante : c’est que l’ouvrier mineur (au moins dans le bassin du Nord et du Pas-de-Calais, où les concessions sont voisines à se toucher) n’est pas « enraciné » au sol dont il fouille les entrailles : comme l’ouvrier de tant d’autres industries, il est, au contraire, en grande partie, déraciné, mobilisé ; la mine aussi a ses passans, ses chemineaux, son armée roulante.

L’épreuve faite, — et elle se fait entre cinq et dix ans de services, — la proportion met ensuite dix ans à diminuer d’environ moitié (849 ouvriers avaient de cinq à dix ans de services, on n’en trouve que 451 ayant servi de quinze à vingt ans), et peu à peu la décroissance s’accélère : pour les dix années qui vont de vingt à trente ans de services, elle est de plus de moitié (187 ouvriers ayant de vingt-cinq à trente ans de services, contre 451 qui avaient de quinze à vingt ans). Puis ce n’est plus par dix années que le chiffre se dédouble, mais par cinq : 187 ouvriers sont de vieux serviteurs de la Compagnie, à vingt-cinq ou trente ans de services ; mais, de plus vieux que ceux-là, il n’y en a que 92 à trente ou trente-cinq ans, 47 à trente-cinq ou quarante ans de services ; et, de tout à fait vieux, des patriarches de la mine, au-dessus de quarante ans de services, on n’en compte plus, — il n’est ni long ni difficile de les compter, — que 18 sur 5 647 ouvriers ; deux ou trois sur mille.

Or, comme l’ouvrier peut entrer enfant à treize ans, il pourrait avoir quarante ans et plus de services à la mine avant d’être un vieillard, vers la cinquante-cinquième année. Mais, d’ouvriers ayant en fait quarante ans de services, on vient de voir qu’ils sont 18, sur les 5 647 de la Compagnie de B…, et d’ouvriers ayant