auquel il sert de cadre le commentaire le plus saisissant. Mais s’il excelle à réunir ainsi dans une composition tous les détails pittoresques qui peuvent en renforcer l’effet, Titien, lorsqu’il le faut, sait tout aussi bien tirer de la sobriété extrême de ces détails une expression pathétique. Dans la Mise au tombeau du Louvre, le paysage est presque absent ; à peine une indication de broussailles à côté de la roche où a été taillé le sépulcre, et au-dessus, un bout de ciel d’un bleu sombre, rayé de nuées grises et fauves. Mais ainsi concentrée, réduite à ses élémens essentiels, la scène a toute son éloquence, et la nuit qui va tomber lourdement sur ce grand corps blafard et sur ces figures : éplorées qui se pressent autour de lui, ajoute ses tristesses aux poignantes émotions de cette terrible journée.
Peut-être les sujets mythologiques ont-ils mieux encore fourni au maître l’occasion de manifester son originalité, car mieux que les autres ils convenaient à son tempérament. Depuis longtemps déjà, dans les autres écoles de l’Italie, une large part était faite à la représentation des légendes de la Fable. Mais, tandis que les artistes cédaient d’habitude à la tentation d’y accumuler, sans grand choix, tout ce qu’une archéologie, restée assez primitive, leur apprenait de l’antiquité, Titien ne s’accommode pas de cette érudition de seconde main. Et, cependant par sa fréquentation des lettrés et par ses propres lectures, il est au courant de tout ce qu’on connaît alors des monumens et des écrits du passé. Au lieu des compositions figées et composées, dans lesquelles ses prédécesseurs ont laborieusement introduit et complaisamment souligné les documens qu’ils ont pu recueillir, c’est à la source même qu’il va puiser pour renouveler ces vieilles légendes. Elles sont pour lui éternellement jeunes, puisqu’elles lui apparaissent comme des emblèmes- toujours vivans des énergies, des splendeurs et des grâces de la nature. C’est donc la nature elle-même qui sera son inspiratrice, et ses formes, ses couleurs, ses harmonies étudiées directement, mais résumées, et exaltées par son génie, donneront à la traduction qu’il en fait à la fois plus de vérité et de poésie. S’exerçant sur ces données réelles, sa vive imagination les interprète, les transpose librement avec toute la puissance d’une admiration toujours plus attentive, en même temps qu’elle devient plus passionnée. Il a besoin de ces données précises et elles sont pour lui un soutien nécessaire ; mais c’est la nature entière qui les lui fournit, et il