contredit pas et le charme familier de cette contrée, l’ingénuité respectueuse avec laquelle Bellini en a rendu les moindres détails, tout ici manifeste l’habileté du peintre et le plaisir croissant que vers la fin de sa vie il prenait à de semblables études. Une suite de cinq petits panneaux qui appartiennent à l’Académie des Beaux-Arts où sont figurées ces sortes d’allégories fort en vogue à cette époque nous en donnerait au besoin une nouvelle preuve. Le cadre de l’une d’elles, Vénus dominatrice du monde, a été certainement fourni à l’artiste par un des petits lacs qui abondent au nord de la Vénétie et il a su exprimer avec autant de simplicité que de charme la poésie un peu sévère que présentait, au déclin du jour, ce site grandiose. Le mouvement et la glauque transparence des flots sur lesquels vogue le frêle esquif de la déesse attestent également la vérité d’une étude, suivant toute vraisemblance, faite d’après nature.
On dirait, en revanche, que dans l’étrange tableau de la Vierge avec des Saints, du Musée des Uffizi, Bellini ait voulu nous proposer une énigme. Que peuvent signifier, en effet, cette Madone gravement assise sous un dais, avec une Sainte debout auprès d’elle, une autre Sainte agenouillée à ses pieds à côté de saint Paul tenant son épée haute, et non loin de là saint Joseph, les mains jointes, contemplant avec attendrissement trois enfans nus, occupés à ramasser les oranges qu’un autre enfant, sans doute le petit Jésus, secoue d’un arbuste planté dans un bassin, tandis que saint Jérôme et saint Sébastien assistent à leurs ébats ? Le paysage très réel, très minutieusement détaillé qui, de l’autre côté d’un cours d’eau, apparaît au-dessus de la terrasse où sont disposés ces divers personnages, achève de rendre incompréhensible une donnée déjà assez mystérieuse par elle-même. On y remarque, en effet, au bord de l’eau un village entouré de rochers bizarres, dans lesquels se trouvent pratiquées des grottes ; un homme est accroupi dans l’une d’elles et un peu plus loin, dans un autre réduit, on découvre un centaure égaré en ces parages !
Le paysage, qui dans le Martyre de saint Pierre de Vérone (National Gallery) occupe aussi une place très importante, n’est pas moins bizarre et présente avec le sujet de cette composition un contraste encore plus imprévu. Tandis que, sur le devant du tableau, l’un des assassins plonge son glaive dans la poitrine du Saint, et que le dominicain qui accompagnait ce dernier