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s’opposent en une certaine mesure, mais qui n’en sont pas moins unies, grâce à la synthèse finale des élémens.

Au point de vue physique, le mouvement est tantôt centripète, tantôt centrifuge, ce qui suppose attraction et répulsion. C’est une remarque ancienne que l’attraction, à elle seule, concentrerait l’univers en une masse immobile ; que la répulsion, à elle seule, l’éparpillerait dans l’infini. Quelle que soit l’explication dernière de ces deux grandes directions du mouvement, toutes les deux subsistent comme faits. Ce n’est pas sans raison que les philosophes français du XVIIIe siècle et ceux de la première moitié du XIXe, notamment Fourier, Pierre Leroux et Auguste Comte, ont vu une naturelle analogie entre l’attraction astronomique et l’attraction sociale, comme entre les forces centrifuges de l’astronomie et les forces de dissolution qui agissent au sein des sociétés. Le même contraste se retrouve dans cette société en petit qu’est l’être vivant. Ce dernier manifeste, lui aussi, des directions centrifuges et des directions centripètes, des oppositions et des harmonies, des antithèses et des synthèses ; mais nous avons vu que, en définitive, c’est la synthèse finale qui constitue la vie même. La loi fondamentale est donc sympathie et synergie.

Le fonctionnement vital consiste d’ailleurs, du côté physique, en une action et réaction de la cellule et du milieu ; l’idée de milieu est, dès le début, inséparable de celle d’être vivant : celui-ci, en conséquence, ne saurait être conçu d’une conception en quelque sorte isolée et objectivement égoïste. Fausse et abstraite idée de la vie que de se la figurer uniquement, avec Nietzsche, comme une sorte d’autonomie et de suffisance interne ! Selon nous, la vie est une existence dont les parties et les phases successives ne sont définissables que dans et par le tout auquel elles appartiennent. Dès lors, la vie implique une corrélation de toutes les parties entre elles et avec le tout ; ce qui n’est autre chose que la solidarité. L’organisme unicellulaire est celui qui dépend, pour sa vie et sa croissance, d’une « interaction chimique », non pas encore avec d’autres cellules, mais seulement avec un milieu où ses conditions de vie sont réalisées ; l’organisme multicellulaire est celui qui, s’élevant à un degré de solidarité supérieure, dépend d’une « interaction chimique » avec d’autres cellules. Dans l’être unicellulaire, il y a déjà toute une organisation, puisqu’il y a un noyau et du protoplasme. Dans