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Le gouvernement remplira cette nouvelle tâche avec succès[1]. »

« La France, écrit un historien anglais, restait dangereusement forte, et ce n’était pas seulement l’ardeur de Bonaparte pour les conquêtes qui assombrissait alors l’aspect des affaires, c’était la rivalité de la France et de l’Angleterre, éclatant plus violemment que jamais[2]. » Comment attendre que, dans ces conditions, l’Angleterre évacuât Malte ? Quels ministres eussent osé abandonner cette position dominante de la Méditerranée et livrer aux Français cette mer dont ils tenaient la clef par Gibraltar ? La lutte pour l’exploitation de la paix s’engageait plus acharnée que la guerre même. La lutte pour ouvrir des débouchés aux produits anglais, pour refouler aussi le commerce français et écraser l’industrie française renaissante, s’annonçait plus âpre, plus populaire aussi que la lutte contre la Révolution. « L’Angleterre, mandait Otto, s’agitera moins, quand la diminution graduelle de ses bénéfices aura diminué ses moyens de recommencer la guerre. »

C’est la pensée directrice de Bonaparte. Comment attendre, dès lors, qu’il se dépouille des moyens qu’il s’est procurés de les réduire à ce point et de les contraindre à abdiquer la rivalité ? Il les tient par la Hollande, par l’Espagne, par le Portugal, par l’Allemagne, par l’Italie, par le Piémont et par la Suisse enfin qui occupent les passages de France et d’Allemagne en Italie. Il a promis à l’empereur de Russie, qu’il ménage, d’évacuer Rome et Naples ; il le fait. « Toutes les troupes françaises, lui écrit-il, le 23 mai, ont, dans ce moment, évacué le royaume de Naples et les États romains. » Raison de plus, pour lui, de réclamer l’évacuation de Malte par les Anglais, stipulée formellement au traité. Il s’y est conformé, que les Anglais s’y conforment. Pour le reste, rien n’a été promis, rien n’a été écrit. Ainsi tout le débat se ramène à cette île de Malte. La lutte pour ce petit rocher va devenir le symbole de la rivalité séculaire, exaltée par la Révolution, enflammée par la concurrence du travail national. Malte est la bicoque dont la prise, dans les grandes batailles, décide de la victoire.


ALBERT SOREL.

  1. Message au Corps législatif, le 6 mai 1802.
  2. Seeley, Napoléon Ier. Paris, 1888.