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avons, ajoute lord Carnavon, entassé honte sur honte : « une telle paix est contraire à la sécurité, à l’honneur du pays. »

Aux Communes, Windham se montre aussi agressif, aussi violent. Lord Grenville et lui, mande Otto, le 10 mai, « se sont efforcés d’établir que la guerre politique n’a été terminée que pour mieux commencer une guerre de commerce et de douane ; que l’intention du Premier Consul est d’exclure le commerce anglais de toutes les parties de l’Europe où peut s’étendre notre influence, et que la paix actuelle n’est qu’une trêve qui donne à la France le temps et les moyens de réorganiser ses colonies. »

Hawkesbury plaida non coupable, ménageant, en ses adversaires, des successeurs inévitables : « Fallait-il continuer la guerre pour la République italienne ? Mais cette république a été reconnue à Vienne, à Pétersbourg, à Berlin… D’ailleurs, même sous les Bourbons, la France aurait été notre ennemie. Quel que soit son gouvernement, son ambition est la même. » Castlereagh se rallia au traité. La guerre, dit-il, ne saurait être reprise dans des conditions favorables que si un changement survenait en Europe. Addington exprima le regret que lui causaient les agrandissemens de la France ; mais ce n’était pas à l’Angleterre de réparer ce mal. « Pour l’instant, notre devoir est de garder nos forces ; réservons-les pour des occasions futures, alors qu’on pourra reprendre l’offensive avec espoir de succès… Ne les gaspillons pas sans aucune chance d’avantages. » Le traité fut ratifié dans ces termes.


VI

S’il est vrai que Bonaparte ne croyait point à la durée de la paix, personne n’avait plus d’intérêt que lui a la prolonger le plus longtemps possible, à tirer au moins la rupture en longueur. Il avait à prendre possession des colonies acquises ou restituées, à asseoir sa domination en Italie, à terminer les affaires d’Allemagne, complément du traité de Lunéville, à se pousser et se retrancher si fortement sur le continent qu’une nouvelle coalition devînt, sinon impossible, du moins très difficile. Il avait à établir son gouvernement en France ; il était en train, sous le titre de consul à vie, de s’élever au pouvoir suprême. La ratification nationale ne s’obtiendrait que par les bienfaits : la paix en était le premier. La France entière se remettait au travail avec autant