car la liberté consiste à n’imposer ses préférences à personne.
Le sentiment antireligieux est au fond de tout ce mouvement. Les radicaux et les socialistes ne cachent pas que c’est à l’idée religieuse elle-même qu’ils en veulent, et que la lutte durera jusqu’à ce qu’ils l’aient supprimée : elle pourra donc durer longtemps. En attendant, ils poursuivent l’idée religieuse dans l’école libre, qui est un de ses refuges. La tempête qu’ils ont déchaînée est violente. Les congrégations ne peuvent pas soutenir la lutte : c’est aux amis de la liberté à le faire, aux hommes politiques, à quelque nuance d’opinion qu’ils appartiennent, qui tiennent trop à leur propre liberté pour ne pas tenir à celle des autres, sachant bien que, dans un pays aussi mobile que le nôtre, il n’y a pas d’action sans réaction, que les vainqueurs d’un jour sont les vaincus du lendemain, que la roue du pouvoir tourne encore plus vite que celle de la fortune, et que c’est aveuglement et imprévoyance de ne pas regarder et ménager la liberté comme l’intérêt de tous. Mais elle est plus qu’un intérêt, elle est un droit. C’est ce que méconnaissent les « jacobins dégénérés, » comme les appelait il y a quelques jours M. Ribot, qui disposent provisoirement de la majorité parlementaire et qui s’en servent si orgueilleusement. Ils ne s’étaient pas encore vus à pareille fête ! Maîtres du gouvernement, ils donnent libre carrière aux instincts de despotisme qu’ils avaient été obligés de refréner jusqu’ici. Que veulent-ils ? Oh ! une chose bien simple : ils veulent que tout le monde pense désormais comme eux, et c’est pour cela qu’ils suppriment la liberté de professer autre chose que ce qu’ils croient eux-mêmes. C’est une grande entreprise, et nous doutons qu’ils puissent la conduire jusqu’au bout ; mais ils imposeront à leurs adversaires des souffrances qui laisseront dans les cœurs beaucoup d’amertume, qui y entretiendront beaucoup de rancunes ; et l’apaisement, qu’il aurait été si facile de faire aujourd’hui, deviendra impossible pour bien longtemps.
Nous aurions voulu parler avec plus de développement que cela ne nous est possible à la fin de cette chronique de l’événement considérable qui vient de se passer en Angleterre : la démission de lord Salisbury. Dans un pays qui a des institutions aussi fortes, et qui reposent sur une tradition aussi bien établie, il semble que la disparition d’un homme ne puisse pas avoir des conséquences considérables. Il y en a eu de plus grands que lord Salisbury qui ont été remplacés sans désavantage, et d’ailleurs, il ne gouvernait depuis quelque temps que d’une main de plus en plus indolente. A défaut de son