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que le moyen ne lui en échappât. En effet, s’il avait suivi la première conduite que nous avons indiquée, les tribunaux auraient pu lui donner tort, et il n’était pas assez sûr de son droit pour s’exposer à leur jugement ; et s’il avait suivi la seconde, il est à croire que les congrégations auraient demandé des autorisations régulières pour leurs établissemens nouveaux ou anciens qui n’en sont pas encore nantis. Dans l’une ou dans l’autre hypothèse, on voit la conséquence ; elle est terrifiante ; M. Combes n’aurait pas pu sauver la République ! Il est vrai que la République se serait fort bien passée d’être sauvée par lui, mais lui, ne pouvait pas se passer de la sauver ; il en avait besoin. Il fallait qu’il donnât une satisfaction aux amis qui le soutiennent ; il savait que celle-là flatterait particulièrement leurs goûts ; comment aurait-il hésité ? Il a, dit-il, plus de cent voix de majorité, mais il veut les garder, et, pour y réussir, il a servi sur la table du banquet radical-socialiste deux mille et quelques centaines d’établissemens congréganistes, en quoi il a sensiblement dépassé tous les ministres qui l’avaient précédé. Aucun autre n’avait fait mieux, ni autant ! Qu’étaient les pauvres persécutions de Jules Ferry, en comparaison de celles de M. Combes ? Peu de chose, en vérité. Jules Ferry, assure-t-on, dans les derniers temps de sa vie, a compris qu’il avait commis une faute en 1880, et il ne l’aurait certainement pas recommencée. Qui sait s’il sera donné un jour à M. Combes de se relever assez du joug humiliant sous lequel il s’abaisse aujourd’hui, pour s’apercevoir à son tour qu’il a commis une faute, et qu’au lieu de faire du bien à la République, il lui a fait un grand mal ? Cette clairvoyance mêlée de repentir, nous allions dire cette probité envers soi-même, n’est pas donnée à tout le monde.

On demande quel parti, les congrégations doivent prendre : doivent-elles plier sous l’orage ou y résister ? S’il s’agit pour elles d’une question de conscience, nous n’avons pas à y entrer ; s’il s’agit d’une question d’intérêt politique, nous inclinerions plutôt à dire que toute résistance serait en ce moment inutile et qu’elle pourrait même, en exaltant les passions, aggraver la situation au lieu de l’améliorer. Au reste, les congrégations l’ont compris, et M. Combes, dans son discours de Pons, s’est vanté, avec une joie quelque peu insultante et provocante, d’avoir obtenu des congrégations une soumission presque générale. « Quand on fera le compte, a-t-il dit, des établissemens qui se sont soumis à la loi et de ceux qui ont résisté, on sera étonné du petit nombre de ceux-ci. » Ubi solitudinem faciunt pacem appellant ! Il n’y a rien à faire contre le plus fort, sinon de