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préféré céder la place à un subalterne, et s’en aller bien loin vers le Nord, de crainte peut-être qu’on n’invoquât tant d’engagemens qu’il avait pris, tant d’interprétations de la loi qu’il avait données aussi bien comme juriste que comme chef du gouvernement, ce qui aurait pu embarrasser et son successeur et lui-même. M. Combes est donc livré à ses propres lumières et à ses propres forces. Ses lumières paraissent courtes ; mais ses forces sont grandes, puisqu’il dispose à la Chambre d’une majorité de plus de cent voix. Avec cela, on peut tout faire. C’est le seul argument, paraît-il, qu’il ait opposé au vénérable cardinal-archevêque de Paris qui était venu plaider auprès de lui la cause des congréganistes dont on ferme en ce moment les établissemens. « J’ai plus de cent voix de majorité, » a-t-il dit, et cela répond à tout. Mgr Richard n’a eu qu’à se retirer. Rentré dans son palais épiscopal, il a écrit une lettre de protestation au Président de la République. Ce n’est ni la première, ni la dernière qu’ait reçue M. Loubet. Le cardinal Perraud, évoque d’Autun, lui avait déjà adressé une lettre éloquente, mais, hélas ! bien vaine, pour lui rappeler son discours de Brest, et cette espérance d’apaisement qu’il avait alors donnée au pays. Beaucoup d’autres prélats sont venus ensuite. Eux aussi ont parlé de l’apaisement promis. Nous en sommes bien loin ! Si M. Loubet a cru que sa parole serait entendue et son vœu exaucé par les vainqueurs de la veille, il s’est bien trompé !

Le ministre qu’il a chargé de la direction de nos affaires n’a pas mis longtemps à lui répondre. Procédant par simples circulaires ou par arrêtés ministériels, il a fermé d’abord cent vingt-cinq établissemens congréganistes ; puis, mis en goût par ce début qui lui a valu les chaleureux applaudissemens des radicaux-socialistes, d’un seul coup, sans avertissement préalable, sans mise en demeure d’avoir à se conformer à la loi dans le sens où il l’interprétait, sans ménagemens d’aucune sorte, il en a fermé encore environ deux mille cinq cents. Il s’est aperçu depuis lors que des décrets étaient nécessaires pour procéder légalement : qu’à cela ne tienne, on fera les décrets, on les fait en ce moment Tous ces établissemens, nous parlons de ceux de la seconde fournée, sont des maisons d’enseignement. Un autre que M. Combes aurait attendu quinze jours ou trois semaines pour permettre du moins à l’année scolaire de se terminer. Lui, s’en est bien gardé. Tout ce qu’il a pu inventer pour rendre l’acte qu’il accomplissait plus vexatoire lui a paru de bonne guerre : car c’est évidemment la guerre qu’il fait, et à quoi la fait-il ? A la liberté de l’enseignement. Autrefois on se gênait un peu pour l’avouer, on le contestait, on le niait même. Ces