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à Sierra Leone. L’expérience de Freetown (Sierra Leone) a été particulièrement intéressante. Des escouades de travailleurs visitaient les maisons et faisaient disparaître tout ce qui pouvait offrir un refuge à ces larves : elles vidaient les mares et les comblaient lorsque cela était possible. Si c’était impossible, des travailleurs sanitaires employaient un excellent moyen de destruction, qui consiste à versera la surface de l’eau dormante suspecte une mince couche de pétrole. On dit — et M. Laveran lui-même a adopté cette explication — que les gouttelettes huileuses oblitèrent les trachées, ce qui entraîne l’asphyxie de l’insecte.

L’explication véritable est tout autre et intéressante au point de vue scientifique. Il y a quelque chose de singulier à voir un animal dont le corps est plus lourd que l’eau et tombe au fond, en effet, dès qu’il ne fait plus de mouvement, se maintenir comme s’il était accroché à la surface. Le naturaliste anglais Miall a donné, récemment, l’explication de ce fait paradoxal. On sait que la larve du cousin présente à la partie postérieure du corps une gaine tubulaire, le siphon, qui n’est autre chose que le prolongement des trachées principales destinées à l’introduction de l’air respiratoire. C’est à l’extrémité ouverte de ce siphon que s’établit l’adhérence avec l’eau. Miall a montré que cette adhérence était due à la tension superficielle du liquide. Or, c’est la première chose qui est modifiée lorsque l’on étend une couche de pétrole sur l’eau. La larve ne peut donc plus se maintenir à la surface, puisque la force qui opérait ce maintien a disparu. Elle tombe donc dans la profondeur et elle s’y noie, ni plus ni moins que le ferait un mammifère.

L’expérience méthodique faite en grand à Freetown pour la destruction des moustiques, sous la direction du Dr Logan Tylor et la campagne conduite par le Dr Gorgas à la Havane ont eu un plein succès, d’après des renseignemens que nous empruntons au rapport de M. Laveran. La situation sanitaire a été profondément améliorée.


A. DASTRE.