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l’homme. On ne peut supprimer le paludisme et guérir l’homme sans guérir du même coup le moustique.

Toutefois, cette doctrine laisse subsister quelques difficultés qui n’ont point été résolues. Elle ne permet pas de comprendre un fait que beaucoup d’observateurs considèrent comme prouvé, c’est à savoir que le paludisme s’est maintenu dans des contrées vierges de la présence de l’homme. En second lieu, on conteste la spécificité de l’anophèle ; on prétend qu’il n’est pas le seul et unique genre malarigène. Le docteur Montoro de Francesco, qui a observé le paludisme dans les Calabres, s’est fait le champion de cette idée. Il a prétendu montrer que les anophèles ne sont pas les agens uniques, ni indispensables, de la transmission du paludisme. Il n’en reste pas moins établi qu’ils en sont les agens habituels.


III

Les moustiques pullulent dans les pays couverts d’étangs et de marécages. L’adulte n’a nul besoin des eaux, mais c’est là qu’il a trouvé les conditions nécessaires à son éclosion et aux premiers temps de son existence. La femelle du moustique dépose ses œufs à la surface des eaux stagnantes. Il faut que le liquide soit parfaitement tranquille pour que l’animal, simplement appuyé sur la surface, ne soit point submergé et noyé. Les œufs pondus sont agglutinés par une sorte de matière unissante et forment ainsi une espèce de petit radeau flottant qui, lui aussi, serait incapable de résister à des ondes agitées. La forme de ce radeau ou de cette nacelle est différente pour chaque espèce et peut servir à sa diagnose. Quant à l’œuf lui-même, Réaumur l’a autrefois décrit et figuré. Il a la forme d’un cigare qui serait placé debout, l’extrémité tronquée au contact de l’eau. C’est par ce bout que, deux jours plus tard, sortira la larve.

La larve et la nymphe du cousin ont une existence exclusivement aquatique. La larve habite la couche superficielle des eaux dormantes. C’est là que s’écoule son existence jusqu’à sa transformation en nymphe, c’est-à-dire pendant une douzaine de jours. Son attitude habituelle est digne d’attention. Elle est suspendue, la tête en bas, comme fixée et suspendue à la surface de l’eau où affleure son extrémité caudale. Elle vit dans cette position acrobatique, mais parfaitement appropriée à ses besoins. La larve du cousin porte, en effet, greffé comme une corne, sur le dos de l’avant-dernier anneau, un prolongement improprement appelé siphon. Ce n’est autre chose qu’une