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d’assez près, on voit la partie antérieure de sa tête prolongée par un bouquet de trois pièces, fines comme des aiguilles, qui divergent en éventail, sans compter les antennes qui la surmontent.

Il est à peine nécessaire d’ajouter que, si l’on étudie à la loupe ces sortes d’organes filiformes, on en constate la complexité. La trompe, à son maximum de complication, est formée par l’emboîtement de deux gouttières. Cette sorte de gaine tubulaire loge cinq longues aiguilles effilées qui ne sont autre chose que les pièces buccales ordinaires aux insectes, extraordinairement allongées. Le tout forme une tige assez fine pour pénétrer sans résistance à travers la peau et les tégumens des animaux. C’est par là que l’insecte aspire le sang de sa victime, et c’est encore par là qu’il coule dans la plaie une goutte d’une salive corrosive qui produit chez l’homme une sensation de cuisson bien connue.

Les mâles se distinguent des femelles à la seule inspection de la tête. Ils sont plus barbus : leurs antennes, garnies de poils plumeux, ont une apparence de panaches qu’elles n’ont point dans l’autre sexe. Nous avons dit que leurs mœurs étaient généralement plus douces. Cette différence d’habitudes est vraie pour beaucoup d’espèces ; mais il y en a d’autres où le mâle et la femelle se nourrissent l’un et l’autre du sang des animaux en même temps que du suc des plantes, et d’autres enfin où ils sont exclusivement végétariens.

Les deux genres à qui nous avons affaire sont ceux des Culex et des Anophèles. Il est très utile de les distinguer, puisque, en Europe, les premiers sont inoffensifs, tandis que les seconds sont les propagateurs du paludisme. Ronald Ross nous a appris à les reconnaître d’après leur attitude au repos ; il suffit de les regarder, lorsqu’ils sont posés contre une paroi verticale. L’un et l’autre s’appuient sur les deux premières paires de pattes ; mais le corps du cousin est parallèle au mur, et d’ailleurs légèrement fléchi sur lui-même ; le corps de l’anophèle est droit et presque perpendiculaire à la paroi. A l’état de larve, il y a une différence analogue. L’anophèle n’a pas de siphon et il se tient parallèle à la surface de l’eau, tandis que le cousin a une position presque verticale.

La doctrine régnante enseigne que le paludisme est causé par un sporozoaire, l’hématozoaire de Laveran, qui vit en parasite dans le sang. Le cycle évolutif de ce parasite présente deux phases, l’une qui s’écoule chez l’homme, l’autre chez l’anophèle : le parasite circule donc de l’homme au moustique et du moustique à l’homme. C’est un perpétuel va-et-vient : l’homme infecte l’insecte et l’insecte infecte