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l’horizon lointain, à des lutteurs géans prêts à en venir aux mains. Partout ailleurs, dans les villes et dans les campagnes, au fond des villages les plus écartés, il est étonné par la quantité d’églises cathédrales, de chapelles, d’ossuaires et de calvaires qui dressent leurs flèches, leurs tours et leurs bras de granit dans la brunie et la mélancolie du ciel. Et, s’il est tant soit peu poète, en face de ces grands spectacles et de l’épanouissement inouï de tous ces chefs-d’œuvre gothiques, il ne sait ce qu’il doit le plus admirer, de la beauté de la nature ou de l’art et de la foi qui ont enfanté tant de merveilles.

M. de la Borderie, qui avait fondé ou restauré les sociétés archéologiques de Bretagne, ne pouvait se désintéresser de leurs travaux. Il appela leur attention et provoqua leurs recherches sur toutes les parties à peine explorées de leur immense domaine. Pour leur donner l’exemple, il se mit en quête des architectes, des maçons, des peintres-verriers et des sculpteurs qui avaient bâti, décoré, illustré nos cathédrales et nos chapelles, et dont les noms n’étaient pas arrivés jusqu’à nous. On ferait une gerbe magnifique avec tous les articles de haute curiosité qu’il a semés en prodigue, et cela sur les sujets les plus divers, dans les bulletins de ces sociétés savantes et dans la Revue de Bretagne et de Vendée.

Un jour, un de mes collaborateurs s’avise de faire, — en fermes très modérés du reste, — un procès à Chateaubriand à propos des monumens druidiques qu’il a mis en scène dans les Martyrs. Il paraît que Chateaubriand avait confondu le dolmen avec le menhir. L’article était à peine tombé sous les yeux de M. de la Borderie qu’il prend la plume et me demande la permission d’y répondre. Ce ne fut pas long, mais tout à fait décisif. Il commença par démontrer que Chateaubriand n’était pas plus ignorant sous ce rapport, en 1809, quand il publia les Martyrs, que le monde savant ou réputé tel à cette époque ; qu’en 1809, il n’avait d’autre lumière que les travaux de l’Académie celtique et des antiquaires de son temps, qui, en établissant la synonymie entre le mot dolmen, d’une part, et, de l’autre, indûment, les expressions men sao, pierre debout et pierre levée, furent la cause de la confusion et restent responsables de Terreur de Chateaubriand.

Une autre fois, — c’était en 1886, — il apprend qu’en faisant des fouilles dans l’enceinte du nouveau chœur de la cathédrale de Nantes, on vient de mettre au jour une très belle crypte de la fin du xc siècle. Immédiatement il se transporte sur les lieux,