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pendant l’interrègne, au défaut de magistrats institués ou désignés par le prince, les droits appartenant à la société dont ils étaient la première personne… Voilà pourquoi plusieurs évêques saints, qui ont vécu dans le Ve et dans le VIIe siècle, sont entrés dans tous les projets et toutes les négociations qui se firent alors pour rétablir l’ordre ou du moins pour prévenir l’anarchie. Voilà pourquoi ils font une si grande figure dans l’histoire de l’établissement de la monarchie française[1].

Parmi les évêques des cités armoricaines dont on peut placer l’épiscopat vers la fin du Ve siècle, un seul est mentionné dans les documens de l’histoire comme ayant eu des relations avec Clovis : c’est saint Mélaine. Mais nous savons peu de chose sur lui. Son biographe, qui écrivait cinquante ou soixante ans après sa mort, nous apprend qu’il regardait le fardeau de l’épiscopat qu’on lui avait imposé comme l’obligeant à s’occuper des affaires publiques, à s’inquiéter des soucis de la foule, des questions qui troublaient le monde, à se prêter dans une certaine mesure aux mœurs du siècle…, et que ses précieuses qualités le firent connaître de Clovis, qui trouva en lui un courageux conseiller[2]. D’autre part, quoique la chronologie de la vie de saint Mélaine présente plus d’une difficulté, il est absolument certain qu’il vivait du temps de Victurius II évêque du Mans, mort en 490, et qu’il assista au Concile d’Orléans de l’an 511.

« Le roi Clovis, dit le biographe de saint Mélaine, ayant réuni à Orléans un Concile composé de trente-deux évêques pour réfuter les objections des hérétiques et pour proclamer les véritables maximes de la foi catholique, saint Mélaine y brilla comme le chef éminent de toute l’assemblée, ainsi qu’en témoigne la préface dudit Concile[3]. »

Et le catalogue historique des conciles tenus dans ce pays jusqu’au VIIIe siècle, à défaut de celle préface et des actes qui sont perdus, mentionne celui d’Orléans en ces termes : « Le dix-huitième concile fut celui d’Orléans, où trente et un Pères décrétèrent des canons, dont le principal auteur fut saint Mélaine évêque de Rennes. »

Or, ce Concile d’Orléans ne fut pas seulement un triomphe pour l’Église catholique, c’est là encore que fut cimentée l’union

  1. Dubos, Histoire de l’établissement de la monarchie française, t. I, p. 222.
  2. Vita Sancti Melanii, n" 6, dans Boll. Januar., I, p. 328.
  3. Ibid., p. 329.