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chrétiens, par la population tout entière, moins les Goths et les Burgondes, — comme un grand triomphe : « Votre foi est notre victoire ; vous êtes l’arbitre choisi pour notre siècle par la Providence ; vous êtes la lumière de l’Occident, » lui écrivaient les évêques gallo-romains[1]. Et de Rome, le pape le saluait en ces termes : « Soyez notre couronne. L’Eglise se félicite d’avoir enfanté à Dieu un si grand roi ; continuez de réjouir son cœur maternel ; soyez pour la soutenir une colonne de fer, et elle vous donnera victoire sur vos ennemis[2]. »

L’antipathie contre l’hérésie arienne et ses fauteurs, continue M. de la Borderie, la crainte d’avoir à subir leur domination, c’est là surtout ce qui avait poussé, dans la seconde moitié du Ve siècle, les cités armoricaines à se rallier à la cause de l’Empire. La conversion de Clovis, qui donnait aux catholiques contre l’arianisme un champion d’une valeur incomparable, inspira donc forcément aux évêques de ces cités les mêmes sentimens qu’au pape et aux autres évêques gallo-romains. Mais, pour la cause de l’orthodoxie, les prélats armoricains pouvaient en cette circonstance plus que tous les autres évêques et que le pape lui-même. D’un coup, au nouveau champion de cette cause ils pouvaient donner tout le territoire d’entre Seine, Loire et Océan, ce qui le rendrait maître de la moitié de la Gaule et le mettrait en position d’engager très avantageusement, à la première occasion, la lutte contre les monarchies ariennes des Wisigoths et des Bourguignons. Car, depuis la chute de l’empire d’Occident, dans les provinces de la Gaule non soumises aux barbares, les véritables chefs du gouvernement, c’étaient les évêques. Et cela, plus encore peut-être qu’ailleurs dans les Lyonnaises IIe et IIIe, parce que les cités de ces deux provinces s’étaient habituées, depuis 409, à un régime de gouvernement autonomique où l’évêque comme premier citoyen avait nécessairement la principale influence et la direction. « Emanés du peuple par leur élection, appartenant presque tous à l’aristocratie gallo-romaine, par leur naissance, les évêques réunissaient toutes les conditions qui créent les influences politiques fortes et durables[3]. » C’était donc à eux, dit l’abbé Dubos, d’exercer

  1. Vestra fides nostra Victoria est. (Avili episcopi Viennensis epist. XLI.)
  2. Anastasii II, Pap. Epist.
  3. Pétigny, Etudes sur l’histoire, les lois et les institutions de l’époque mérovingienne (1851), t. II, p. 272.