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que viennent précisément de restaurer trois chanoines de Quimper[1]. Mais les finies qui veulent que la foi ait une base solide, qui désirent que l’histoire des saints soit écrite comme une autre, chronologiquement, scientifiquement, d’après des documens authentiques et non d’après des traditions orales, celles-là consulteront de préférence l’ouvrage de Dom Lobineau, à présent surtout que M. de la Borderie l’a fortifié et comme rajeuni par ses importantes découvertes.

Car il va sans dire qu’entre la version d’Albert le Grand et celle de Dom Lobineau, M. de la Borderie n’hésita pas une minute. Il prit Dom Lobineau pour guide en hagiographie comme en histoire et c’est autant, j’imagine, pour le remercier des services qu’il lui avait rendus, que pour l’honorer à la face de la Bretagne ancienne et nouvelle, qu’il lui érigea un monument à Saint-Jacut, au mois de mai 1886. Cela ne l’empêcha pas, d’ailleurs, de rendre plus d’une fois justice au dominicain de Morlaix, dont il admirait le grand talent de conteur…

Mais il est temps de parler de l’Eglise de Bretagne à laquelle appartenaient la plupart de ces saints. Pour éclairer l’histoire de nos origines celtiques, rien n’est plus important que de bien connaître l’organisation particulière de cette Eglise aux Ve et VIe siècles, c’est-à-dire à l’époque de l’établissement des Bretons insulaires en Armorique, puisque l’élément religieux représenté par ces saints joua un rôle capital dans la formation de la nation bretonne-armoricaine.

Un des traits les plus apparens par où l’Eglise de Bretagne différait des autres églises de l’Occident et notamment de celle des Gaules, c’est qu’elle était purement monastique et n’avait point de clergé séculier. « Il n’y avait pas d’évêques, au moins parmi les émigrés. Leur premier soin après leur arrivée sur le sol de la péninsule hospitalière, dont la côte septentrionale devait être alors très peu peuplée, fut d’établir de grands couvens dont l’abbé exerçait sur les populations environnantes la cure pastorale. Un cercle sacré d’une ou deux lieues, qu’on appelait

  1. Cf. Les Vies des saints de la Bretagne-Armorique, par Albert le Grand, de Morlaix, F. P. annotées par A. M. Thomas, chanoine honoraire, officier d’Académie, et J. M. Abgrall, chanoine honoraire, membre correspondant de la Commission des monumens historiques, et publiées avec les catalogues des évêques, abbés et abbesses, et des princes souverains tic Bretagne, annotés et complétés par P. Peyron, chanoine de la cathédrale, chancelier archiviste de l’évêché de Quimper. — 1 vol. in-4o, chez Salaün, libraire-éditeur à Quimper, 1901.