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qu’audition, car l’Oratorio, dont l’œuvre d’Emilio del Cavalière est le premier exemplaire, fut d’abord et demeura quelque temps un opéra religieux, mais un véritable opéra.

L’origine du genre et l’étymologie du mot sont connues. On sait que saint Philippe de Néri fut à la fois le fondateur de l’Oratoire et de l’Oratorio. « Il aimait fortement la musique, a dit l’un de ses derniers et le plus éminent de ses biographes, et elle fut toujours à la tête de ses pensées[1]. » Oui, même de ses pensées monastiques, et dans le premier chapitre des constitutions de son ordre il est écrit : « Musico concentu excitentur ad cœlestia contemplanda. Il faut, par le chant en commun, s’exciter à la contemplation des choses célestes. » Au nombre de ses amis et pénitens, saint Philippe compta non seulement Palestrina, mais l’un des premiers parmi les musiciens de l’époque, le premier peut-être jusqu’au jour où Palestrina « le chassa du nid, » le pieux et pur Animuccia. Saint Philippe avait fait de lui le maître de chapelle de sa congrégation. Il l’avait également prié de composer quelques œuvres extra-liturgiques pour l’édification et le divertissement des jeunes gens qu’il aimait à rassembler autour de lui. On désignait généralement sous le nom de « Laudes » les diverses pièces de musique destinées à ces réunions, qui ne tardèrent pas à devenir de vrais concerts spirituels. Animuccia lui-même en témoigne dans la préface de son second livre de Laudes : « Il y a déjà quelques années que, pour la consolation de ceux qui venaient à l’oratoire de Saint-Jérôme, je publiai le premier livre des Laudes. Je m’efforçai d’y garder une certaine simplicité qui paraissait convenir aux paroles, à la qualité de ce lieu de prière et à mon dessein, qui était seulement d’exciter la dévotion. Mais le susdit oratoire étant venu par la grâce de Dieu à s’accroître avec le concours de prélats et de gentilshommes très principaux, il m’a paru convenable d’accroître aussi dans ce second livre les harmonies et les accords, variant la musique de diverses façons, la faisant tantôt sur des paroles latines, tantôt sur des paroles italiennes, tantôt avec un plus grand nombre de voix et tantôt un moindre, avec des vers tantôt d’une façon et tantôt d’une autre, m’embrouillant le moins possible avec les fugues et les inventions, pour ne pas obscurcir l’intelligence des paroles ; afin que par leur efficacité, aidées par

  1. Vie de saint Philippe Néri, par Son Éminence le cardinal Capecelatro, archevêque de Capoue ; traduction du P. Bezin. 2 vol. Paris, Poussielgue, 1889.