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pièces d’artillerie légère sont armées et prêtes à tirer des cartouches à blanc. Il est entendu, toutefois, que chaque pièce ne tirera qu’un seul coup sur chaque sous-marin aperçu, — ou présumé, — car comment empêcher qu’on ne confonde, à distance, un manche de gaffe flottant sur l’eau avec le bout d’un périscope ?… Les mesures de défense des grands bâtimens mouillés en temps de guerre sur une côte accessible aux sous-marins ne se borneraient d’ailleurs pas là. Les canots à vapeur feraient des rondes tandis que les embarcations à rames tendraient des filets de pêche. On serait, à bord, tout prêt à filer la chaîne de l’ancre par le bout et à mettre les machines en marche. Se mouvoir, se mouvoir rapidement, c’est encore le meilleur moyen d’échapper aux coups de l’ennemi invisible…

10 h. 12. — Un coup de 37 millimètres éclate dans le grand silence, dans le calme plat… C’est le torpilleur de grand’garde au Nord-Est. Qu’a-t-il vu ?… Signaux à bras à l’amiral : « Il a cru voir un sous-marin à 300 mètres au large… Le périscope a disparu aussitôt. » Diable !… Quelle route suit maintenant l’ennemi ? L’attention redouble et, ma foi ! avec une certaine anxiété… C’est prenant, cette affaire-là. Évidemment le capitaine du sous-marin a vu le coup de canon : il a admis que ce premier coup ne pouvait être efficace, en raison de la surprise et de la difficulté toute spéciale d’atteindre, sous plusieurs mètres d’eau, un but assez étendu, sans doute, mais qui ne se révèle que par un point. Il a plongé aussitôt et il fait route sur l’un des cuirassés, le Beveziers, probablement, laissant de côté le torpilleur qui ne peut plus rien contre lui. Heureusement pour le Beveziers que le sous-marin sera obligé de faire émerger son périscope au moins une fois avant de lancer sa torpille, qu’il ne peut sacrifier sans être assuré d’une bonne direction. Le moment précis de cette émersion, il faut absolument le saisir au vol et faire immédiatement, sans réglage, un feu rapide de toutes pièces, qui encadre le périscope entrevu.

10 h. 16. — Ça y est !… Feu roulant sur toute la ligne des passavans du Beveziers… Presque immédiatement après, le sous-marin émerge : c’est le Brochet. Son attaque est terminée. L’estime-t-il réussie ? C’est ce que dira, demain, le rapport de son commandant. Celui du Beveziers signale : « attaque repoussée. » On discutera, s’il y a lieu, mais plus tard.

10 h. 35. — Nouvelle alerte, de notre côté, cette fois. Le