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prêts ! Mais il n’y a pas à dire : il faut que tout soit fini après-demain matin. Nous allons à Saint-Vaast recevoir l’attaque des sous-marins.

1er février, 7 heures et demie. — Calme plat, absolu ; mer d’huile. Le soleil vient de se lever derrière les Becquets. Il monte lentement, gros et rouge, avec, par momens, des éclats vifs quand la brume s’effiloche, des traits de feu qui font luire en jaune clair le glacis qui s’étend sur les eaux délicatement bleutées. Il fera très beau aujourd’hui ; froid, si la brise se lève au nord ; doux, si le calme continue. Les sous-marins ne le souhaitent pas : il leur vaut mieux, pour le succès de leurs attaques, un peu de clapotis qui cache le bout du périscope, l’œil qu’ils promènent sur l’eau.

Les voici justement qui passent, en émergence. Médiocres marcheurs, il faut qu’ils partent avant nous pour arriver sur le champ de bataille après avoir pris au large toutes leurs dispositions. Il y en a quatre, le Lotus, le Brochet, le Calmar, l’Hippocampe, soit deux sous-marins et deux submersibles, les deux premiers plus ras sur l’eau, les deux seconds presque aussi hauts qu’un torpilleur ordinaire. Ils passent, et, dans le feu des préparatifs d’appareillage, nous les regardons à peine, ces perfides ennemis… C’est que, fichtre ! l’amiral va venir à bord pour cette sortie : honneur et complication !

8 heures. — Tra la la officiel : sonneries, sifflets (chez nous, c’est avec le sifflet que l’on rend les honneurs ; cette marine est toujours un peu particulière). L’amiral montée bord au moment où l’officier en second vient dire au commandant que tout est prêt. Il n’y a plus qu’à larguer l’aussière en filin qui nous tient sur le coffre du corps mort.

« Larguez l’aussière ! » — « En arrière, » pour parer le coffre. — « En avant maintenant, à gauche 20 degrés, et puis en route ! » — Le Beveziers nous suit et se range dans nos eaux à 300 mètres. Nous sortons par la passe de l’Est, en serrant de près le fort qui termine la digue et laissant à droite celui de l’île Pelée. La brume s’éclaircit, et, derrière nous, le Roule, Cherbourg, les collines d’Octeville, l’arsenal, étalent un panorama charmant. Le Roule, c’est un gros morne rouge sombre, écaillé de rouge clair aux endroits où la mine l’entame pour en tirer des blocs de granit. Entre ce mur abrupt sur lequel une vieille citadelle découpe ses arêtes géométriques et les pentes vertes d’Octeville,