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Cherbourg restait incapable de boucher un trou dans les œuvres vives d’une unité de combat de premier rang : grave sujet de préoccupations !

Les bureaux ?… Toujours trop étroits pour le flot envahissant de notre paperasserie administrative et militaire. C’est le seul point où j’excuse nos devanciers. Du temps de Dalbarade et de Truguet, du temps même de MM. de Sartines et Berryer, qui donnaient cependant le pas à la plume sur l’épée, on ne pouvait pas prévoir à quel excès nous nous porterions dans ce genre. N’avons-nous pas plus de commis, d’écrivains, d’expéditionnaires, de fourriers, de comptables et de magasiniers, bref, plus de « ronds-de-cuir » que ces ministres n’entretenaient de marins sur les vaisseaux du Roy ou dans les escadres de la République Une et Indivisible ? ..

Les ateliers ?… Il en a fallu, depuis trente ans, quantité de nouveaux, et que l’on a, je le reconnais, établis simplement, industriellement. Mais ils sont entassés sur des espaces trop restreints. Ah ! le bombardement, le bombardement ! Nous en attendrons le désastre, bercés par des théoriciens optimistes, avant de comprendre qu’on ne met pas un arsenal en bordure sur la mer. Ici, c’est dans le fond de la coupure de la Divette, ou derrière les Becquets, qu’il le fallait placer, et, mieux encore, à la racine même du Cotentin, dans l’estuaire de Carentan.

Les magasins ?… Débordant de partout et qui réclament des annexes, mais où les bâtimens trouvent plus aisément ce dont ils n’ont que faire, — tout le matériel du passé, — que ce dont ils ont un besoin urgent, — le matériel nouveau.

Pourquoi cela encore ? Pour bien des motifs : une sorte de timidité dans la prévision de besoins qui se compliquent de plus en plus, le formalisme des commandes et la lenteur des fournitures, la division des magasins et le défaut d’élasticité de la nomenclature officielle. Quand je causais avec M. de Bl… des magasins de la marine, question qu’il connaissait à fond, il me répétait sa parabole favorite : La Marine est comme un jeune millionnaire dont le tuteur administrait la garde-robe ; et, lorsqu’il se plaignait de n’y point trouver ce qui lui était nécessaire pour faire figure dans le monde, son tuteur lui répondait : « Qu’est-ce à dire ? Savez-vous bien que vous avez dans vos armoires pour plus de 10000 francs de vêtemens ? — Eh oui ! J’y vois bien quantité de pantalons et de gilets ; j’y vois plus de