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ateliers coûteux, pour de vastes magasins, le tout ramassé sur le point de la côte le plus vulnérable !…

Quant à l’inauguration du bassin Napoléon III, voici : c’était en 1858, juste un siècle après la prise de Cherbourg et la destruction du petit arsenal de Louis XV par les Anglais, au début de la guerre de Sept ans. Y avait-il quelque coquetterie historique dans le choix de la date ? Je l’ignore ; en tout cas, l’idée parut audacieuse de convier la reine Victoria à célébrer le développement du port de guerre français qui occupe une position si nettement offensive contre la côte anglaise. La reine accepta cependant. Elle vint à Cherbourg avec le prince-consort, ses ministres et une belle escadre. La nôtre était aussi puissante : c’était le temps où nous étions toujours en avance d’un type. Au milieu des allégresses officielles et des politesses protocolaires, les toasts, que l’on attendait avec impatience, comme aujourd’hui, retinrent vivement l’attention. Napoléon III ne craignit pas de signaler les efforts que faisaient « quelques-uns » pour réveiller d’anciennes rancunes et semer des défiances nouvelles entre les deux grandes nations, alliées de la veille. Du moins la sagesse des deux gouvernemens ne manquerait point d’écarter tout péril… Albert de Saxe-Cobourg, dont les sentimens peu sympathiques à la France étaient connus, répondit au nom de la reine par des phrases évasives et ne s’associa qu’avec réserve aux espérances que formulait le souverain français sur la durée de l’entente cordiale. Les affaires italiennes donnaient déjà de l’ombrage au gouvernement britannique. Moins de deux ans après, éclatait chez nos voisins la crise d’épouvante, le « tumulte gaulois, » qui faisait couvrir de fortifications les côtes de la Manche, doubler la flotte, armer 100 000 volontaires…

14 décembre. — On nous avait placés hier devant le seuil du bassin de radoub n° 3. Aujourd’hui nous y voici rentrés. Tout à l’heure, on a mis en place le bateau-porte, et, tandis que le Fontenoy se rangeait exactement dans l’axe de cette grande cuve, de puissantes pompes à vapeur ont commencé d’épuiser l’eau. On maintenait le bâtiment bien au milieu et bien d’aplomb tandis qu’il descendait, jusqu’à ce qu’enfin il se soit échoué de tout son long sur les dés en granit qui garnissent le fond du bassin. Le niveau de l’eau s’abaissant toujours, il a fallu soutenir le bâtiment des deux côtés : c’est l’affaire des accores, fortes poutrelles qui s’appuient, d’un bout à nos flancs, de l’autre aux parois de