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12 décembre. — Un des bassins de la darse Napoléon III sera libre demain. Nous y rentrerons après-demain à la marée.

Cette darse Napoléon III, beaucoup plus grande que celle de Charles X, devient cependant insuffisante. C’est le centre de l’arsenal, la darse des premiers arméniens, des radoubs, des refontes. On y voit le Henri IV, qui s’achève, le Furieux, que l’on démolit pour le rajeunir ; le Tourville, qui, de beau croiseur, mais déjà vieux, va devenir « charbonnier » et suivra humblement les escadres qu’il devait précéder jadis… Tout à l’heure, il y avait le Requin, encore un garde-côtes modernisé à grands frais, à trop grands frais, disent quelques-uns, qui goûtent peu le vieux-neuf et voudraient qu’au lieu d’être en arrière, nous fussions toujours en avance d’un type…

Sur le côté ouest de la darse, où l’on avait ménagé autrefois des « plans inclinés » pour hisser et radouber à sec les petits bâtimens, on a installé depuis peu le service des sous-marins… Ah ! ah ! les sous-marins ! Ça marche, ces sous-marins ; ça marche… Et ça marcherait bien mieux encore si, depuis douze ou quinze ans que nous travaillons la question, nous avions aiguillé résolument sur la voie du « submersible. » Oui, le torpilleur submersible, voilà ce qu’il nous faut, et le plus tôt possible, pour pouvoir nettoyer le Pas de Calais et en rester maîtres pendant quarante-huit heures.

13 décembre. — J’ai découvert dans la bibliothèque du port une monographie de l’arsenal, où je trouve d’assez curieux détails sur l’inauguration de la darse Napoléon III. Ce port de Cherbourg, que ne doit-il pas aux « tyrans ? » La digue, à Louis XVI, à Napoléon Ier, à Charles X ; l’avant-port, à Napoléon Ier ; à Charles X, un premier bassin ; à Napoléon III, un deuxième, Louis XVIII et Louis-Philippe brochant sur le tout. Ce n’est pas ici qu’on pourrait dire comme ce vieux capitaine de vaisseau, homme à boutades spirituelles : « Il n’y a eu en France qu’un souverain qui ait aimé la marine,… on lui a coupé le cou. » — Non, Louis XVI n’est pas le seul qui ait beaucoup fait pour Cherbourg, et la troisième République, reconnaissons-le, a prouvé l’intérêt qu’elle porte, — tout à l’heure encore 27 millions de travaux accordés, — à l’arsenal de la Manche. Quel dommage, seulement, qu’on n’ait jamais compris que ce n’est point un arsenal qu’il faudrait ici, mais une base d’opérations ! Que de dépenses on se serait épargnées pour des cales de construction, pour des