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ses grandes et continuelles victoires, ne pouvait, du côté de terre, faire rentrer les Français dans leur limites ; l’objet de la guerre n’existait plus ; il fallait la finir. » La raison le disait, avec les ministres ; mais les Anglais n’y consentaient qu’en se hérissant, en se ramassant sur leurs reins, les coudes au corps, prêts à la boxe. Que les Français n’en abusent point ! disait Nelson, sinon, je l’espère, l’Europe s’armera. « C’est avec plaisir que j’irais risquer ma vie pour renverser cette puissance démesurée et abhorrée de la France ! » On sait comment il mourut, quatre ans après, à Trafalgar.

Fox ne se trouvait plus d’accord avec personne, illusionné sur la République française, comme pouvaient l’être, en France, tel opposant libéral, Benjamin Constant, par exemple, ou Mme de Staël, sur les Anglais, leur constitution, leur parlement, leur modération, leur goût et leur besoin de la paix, nécessaire, en théorie, à la liberté autant qu’au commerce. Il eut le courage de son opinion. « On peut dire que la paix est glorieuse pour la République française et pour le Premier Consul, dit-il dans un banquet, le 11 octobre. Cela n’est-il pas juste ? La France a résisté à une confédération de tous les grands royaumes de l’Europe… Quelques personnes se plaignent de ce que nous n’avons pas atteint le but de la guerre. Assurément, nous ne l’avons pas atteint, et je n’en aime que mieux la paix. »

Il y eut une première escarmouche aux Communes, le 29 octobre, à propos de l’adresse. Mais Windham se déclare en deuil. Il ne partage pas les espérances du public : « Le découragement le plus amer, l’abattement le plus profond, m’envahissent. Je déclare que mes honorables amis qui, dans un moment d’imprudence et de faiblesse, ont apposé leur signature à ce fatal traité ont signé l’arrêt de mort de leur pays ; ils lui ont porté une blessure dont il pourra languir plusieurs années ; je ne conçois pas comment il pourra guérir. » L’adresse de félicitations officielles fut votée, mais l’infirmité de la paix était découverte, et le débat reprit, cette fois très vif, lorsque le texte de la convention fut soumis au Parlement.

On chercha les articles secrets, l’article sur le commerce, le fondement de toute paix anglaise, et on ne les trouva point. « Calamité véritable, paix précaire et dangereuse ! » déclara Spencer, aux Lords, le 3 novembre. Aucun des objets de la guerre n’a été atteint. Grenville renchérit : « L’Angleterre est